Un an à peine auparavant, Julie et Antoine, conjoints et associés, fondaient leur entreprise d’éco-pâturage dans le Charentais-sud : les tondeuses Rouill’Bouc.
Podcastine : Antoine et vous-mêmes êtes issus du milieu agricole ?
Julie : Nous avons tous les deux des compétences dans le milieu agricole, du fait de nos parcours respectifs. En ce qui concerne Antoine, il était ouvrier dans le secteur viticole, avant de se lancer dans une conversion professionnelle de plomberie. Quant à moi, je suis tombée dedans quand j’étais petite. Du côté paternel, mes aïeux tenaient une petite exploitation céréalière ainsi qu’un élevage de canards, tandis que la famille de ma mère travaillait dans la viticulture. Tout en me lançant dans cette activité d’éco-pâturage, j’ai poursuivi – et je continue de poursuivre – mon activité d’œnologue au sein d’une maison de Cognac. L’idée m’animait il y a déjà quelques années. En 2017, alors que je n’avais pas encore rencontré Antoine, je me suis installée sur un hectare de terres viticoles que j’ai choisi de travailler par traction animale et en biodynamie. Quand j’ai connu Antoine, nous avions une petite dizaine de moutons que nous redescendions en février et qui passait l’été à la ferme : les bêtes n’étaient pas valorisées et c’est ainsi que la question de les intégrer dans une démarche d’éco-pâturage s’est posée.
De quelle manière l’initiative a-t-elle été accueillie ?
Pour le moment, nous sommes victimes de notre succès ! Au bout des premiers mois, nous sommes passés de dix moutons d’Ouessant – des ovins nains originaires de cette île bretonne – à cinquante ! Sept mois plus tard, nous en avons une centaine ! Et nous envisageons de prendre deux ânes. Les premières personnes à avoir fait appel à nous sont des particuliers. Ensuite, nous ont contactés des entreprises viticoles et une commune : Chateaubernard.
Comment gère-t-on une entreprise d’éco-pâturage en couple, en plus de ses activités professionnelles respectives ?
C’est une organisation, un équilibre à trouver. C’est un mode de vie qui peut dépasser l’entendement de certaines personnes : chacun assure sa journée de travail et les soirs et les week-ends nous nous retrouvons pour travailler la vigne, spécifiquement en cette saison. On se complète énormément, à tel point que nous avons monté l’entreprise au bout de six mois de couple. Je sais que je peux compter, autant dans la vie personnelle que professionnelle, sur quelqu’un qui partage mes valeurs, mon éthique et ma vision de la vie. Nous sommes tous les deux investis de la même façon, avec la même énergie, c’est-à-dire à 300%. Surtout que ces projets s’inscrivent dans un cadre familial et il est important pour nous d’assurer la transmission de notre amour de la terre et de notre savoir-faire aux enfants qui nous entourent.
Selon vous, de plus en plus de monde est sensible aux pratiques écologiques ?
Je le constate dans mon quotidien. Déjà, dans le secteur de la viticulture charentaise, les mentalités évoluent : nous qui sommes habitués à avoir un travail de la vigne très mécanisé, nous observons que de plus en plus d’entreprises recourent aux gestes manuels Concernant l’éco-pâturage, la pédagogie demeure essentielle pour exercer cette activité car les moutons ne sont pas des tondeuses. On ajuste le cheptel en fonction des saisons, du terrain et nous veillons à ce qu’elles changent de chantier dès que le précédent est terminé, afin que les bêtes puissent toujours être sur des espaces fournis. Je pense que ce secteur a de l’avenir et que toutes les pratiques respectant à la fois les sols et les animaux en ont. Le printemps acte la fin des naissances de nos moutons en ce moment. Placés sur des terrains proches d’habitations dans la commune de Chateaubernard, les résidents vivant à côté nous envoient des photos des nouveaux-nés. Il y a un intérêt significatif et une sensibilité pour les animaux de la ferme que nous constatons chaque jour dans le sud de la Charente.
Crédit photo : Les Tondeuses de Rouill’Bouc
Lisa Fégné