EN ÉCHO À NOTRE ÉPISODE DU JEUDI 8 JUILLET : « Opéra de Bordeaux, instrument à discorde »
L’association Aux Arts etc, collectif d’actions et d’événements artistiques, utilise la satire comme moyen de communication pour attirer l’attention sur les luttes sociales. Entretien avec Mathieu Torres, co-fondateur du collectif.
Podcastine : Votre collectif est né récemment, en novembre 2018. Pourquoi l’avoir créé durant le mouvement des Gilets jaunes ?
Mathias Torres : Notre collectif s’est créé au moment des manifestations des gilets jaunes à Toulouse. Nous avions pour objectif d’utiliser notre savoir-faire artistique au service de luttes sociales et citoyennes. Nous étions auparavant en lien, entre autres, avec l’association Droit Au Logement 31 (DAL31), Attac ou encore le Mix Art Myrys pour réaliser des actions car nous défendons la justice fiscale, démocratique et climatique. De fait, notre mouvement d’actions artistiques à portée politique s’inscrit dans la philosophie de l’inter-luttes : nous essayons de participer à toutes les luttes qui répondent à notre ligne militante. C’est en fonction des thématiques et des associations qui militent sur la question que nous créons un lien. Lorsque nous avons réalisé que la gestion de l’eau à Toulouse ne relevait pas du public mais du privé, nous avons souhaité donner de la visibilité à cette information, communiquée par l’association « AuSecours31 ». Il y a quelque temps, une grosse fuite a été relevée sur un axe principal de Toulouse donnant sur la Garonne. Pour attirer l’attention, nous avons mis en scène une occupation de cette voie d’eau : habillés en Mario et Luigi – du jeu Mario Kart -, nous avons utilisé les codes du théâtre et de la caricature pour jouer les plombiers qui s’étonnent de découvrir que la gestion de l’eau relevait bel et bien du domaine privé. En fonction des personnes du collectif, des savoir-faire et des spectateurs, nous adaptons les types de mises en scène.
Vous avez lancé un Moudencopoly, un Monopoly à l’effigie de Jean-Luc Moudenc, maire (LR) de Toulouse…
L’idée nous vient d’une action menée fin mars autour de l’expulsion de l’hôpital de La Grave dans le quartier de St Cyprien, dans le centre-ville. Cet hôpital, qui accueillait entre autres un centre de dépistage de maladies sexuellement transmissibles, a été mis à la vente au profit de Kauffman & Broad, une entreprise de construction et de développement immobilier. Pour schématiser la politique de Jean-Luc Moudenc, nous avons donc construit un Moudencopoly. Sur le plateau, nous avons consacré des cases aux luttes relatives à l’esprit populaire, à la précarité de la culture et contre l’ultra-gentrification et d’autres cases consacrées à ses alliés. Sa politique de destruction des lieux de culture alternative ne fait que s’amplifier : destruction du Bleu Bleu, non renouvellement des subventions pour le Pavillon Mazar, expulsion du Mix Art Myrys… Comme nous l’avons construit sur place dans le quartier du Capitole, nous avons pu interpeller une population qui n’est pas coutumière des informations militantes. L’idée, avant tout, c’est de passer un moment sympathique. En amusant les passants, peut-être qu’une conscience politique se réveillera. C’est tout l’enjeu de ces actions : alerter grâce à l’interaction.
L’utilisation de la parodie s’inscrit-elle dans une nouvelle stratégie de communication sur les manifestations sociales ?
Oui, tout à fait. Avec la pandémie et le climat pesant qu’elle a entraîné, il nous était impossible de poursuivre notre approche de confrontation pour visibiliser les actions des associations partenaires et les nôtres. Il fallait trouver un angle novateur. La satire s’est imposée d’elle-même : elle porte un message politique sous la forme de l’humour. D’autant qu’il fallait trouver des actions qui nous donnaient envie, que ça soit marrant pour nous de les réaliser. Grâce à cette stratégie nouvelle, on a éviter aussi le burn-out militant et les critiques internes étaient mieux reçues lorsqu’elles étaient formulées avec humour. Quant aux spectateurs, il s’agissait de pousser jusqu’à l’extrême les idées de l’opinion publique les plus saugrenues pour en transcrire l’absurdité. Ce n’est que depuis courant avril et le début de nos actes « J’aurais voulu être un artiste » que nous nous sommes dirigés vers la caricature et l’humour. Pour autant, nous réalisons des actions militantes sous des formats différents : réunions, débats, rencontres et nous participons à celles menées par des associations que nous estimons. Comme ce soir avec l’association Zapateria31, place Arnaud Bernard à 18h30, nous allons accueillir les amis zapatistes qui entament une tournée européenne. Il est important de nous mettre en lien avec des endroits de luttes qui fonctionnent et qui nous ressemblent.
Crédit photo : Eric Lbt
Lisa Fégné