La santé mentale à l’épreuve de la pandémie

En écho à notre épisode : « Santé mentale : se former pour mieux aider »

Selon une étude de Santé publique France, 23% des Français présentent les signes d’un état anxieux. La pandémie et le stress qu’elle engendre ont un fort impact sur notre moral.

 

Aude Caria est directrice de Psycom, site d’information sur la santé mentale.

 

Podcastine : Depuis mars 2020, Santé publique France publie régulièrement les résultats de son étude CoviPrev, sur la santé mentale des Français. Le mois dernier, 18% de la population montrait des signes d’un état dépressif, 23% d’un état anxieux et 68% des problèmes de sommeil. Comment expliquer cela ? Est-ce la peur du virus, l’isolement, l’impression de ne pas voir le bout du tunnel ?

C’est un peu tout cela à la fois. Au début de l’épidémie, nous avions peur pour notre santé physique, et au fil du temps nous nous sommes rendu compte que toutes les modifications de notre vie quotidienne, les contraintes, l’incertitude… ont un impact sur notre santé mentale. L’épidémie nous a fait prendre conscience, collectivement, que notre santé mentale est aussi importante que notre santé physique.

Ce que nous montre l’étude, c’est qu’il y a des facteurs de risque. Les troubles psychiques touchent davantage les personnes isolées, précaires, les jeunes, les femmes et les personnes qui avaient déjà des troubles. Ceci dit l’épidémie a simplement agi comme un miroir grossissant, car même avant, être isolé ou précaire entraînait des risques pour la santé mentale. Plusieurs études avaient déjà alerté sur la santé mentale des étudiants, notamment une étude de 2017 sur les internes en médecine. Mais il y avait un fort tabou autour de ces questions.

 

Vous ne pensez donc pas que ces troubles disparaîtront en même temps que le virus ?

C’est difficile de faire des prédictions. Ce que l’on peut dire, c’est que les indicateurs de l’étude baissent un peu lorsqu’il y a moins de contraintes sanitaires, ce qui veut dire que si les éléments de contextes environnementaux s’améliorent, il y a un peu moins de troubles.

 

Le télétravail est maintenant obligatoire trois jours par semaine, pour les entreprises qui le peuvent. Quel est l’impact de cette mesure sur la santé mentale ?

Le télétravail peut avoir des effets bénéfiques ou négatifs, tout dépend du contexte. Est-ce que la personne a choisi d’être en télétravail ? Est-ce qu’elle le fait dans une maison à la campagne ou dans un 15m² ? Est-ce qu’elle doit s’occuper des enfants en même temps ? Cela dépend aussi du management, de la capacité de la personne à être autonome.

Pour certains, le télétravail va être bénéfique, car il va réduire le temps de transport, le stress d’être exposé au virus. Pour d’autres, l’isolement social peut être un facteur de dépression. Ce qui a changé récemment, c’est que l’impact du télétravail sur la santé mentale est davantage considéré.

 

Qu’en est-il de la santé mentale des enfants, qui ont connu l’école en distanciel, le présentiel avec protocole, et qui vivent donc une scolarité un peu particulière ?

Pour l’instant il n’y a pas beaucoup de données sur le sujet. Le gouvernement a annoncé qu’une étude va être mise en place au premier semestre 2022, avec Santé Publique France, pour évaluer régulièrement la santé mentale des enfants.

 

Actuellement, la santé mentale est régulièrement évoquée. Pensez-vous que ce sera toujours le cas après la pandémie ?

Oui, je pense que c’est acquis. C’est devenu un sujet de conversation au travail, à l’université, en soirée, dans les médias… Maintenant, l’enjeu est de passer du sujet de conversation au sujet de société. En France, il y a un déficit d’éducation sur le sujet. Il y a un gros travail pour apprendre à la population comment aider un proche qui va mal, quelles sont les aides efficaces…

Et puis l’épidémie a aussi révélé le fait que les services de psychiatrie sont en difficulté, que c’est compliqué d’avoir accès à des consultations psychologiques. Cela a d’ailleurs entraîné tout un ensemble de décisions politiques, par exemple le remboursement des consultations de psychologie par l’Assurance Maladie et l’ouverture de la ligne nationale de prévention du suicide, le 3114.

Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs pour prendre soin de leur santé mentale, dans cette période de stress et d’incertitude ?

Il n’y a pas de remède universel. Ce qui va fonctionner pour une personne ne fonctionnera pas forcément pour une autre. Mais je dirais qu’il faut accepter l’incertitude, cultiver la bienveillance envers soi-même et faire des choses qui nous font du bien : voir des amis, discuter sur les réseaux sociaux ou au contraire s’éloigner des réseaux… Pratique une activité physique régulière a également un effet bénéfique sur le niveau d’anxiété. Sur le site de Psycom, nous avons dédié une page aux conseils pour préserver sa santé mentale.

Ensuite, si vraiment ça ne va pas, il ne faut pas rester seul avec sa souffrance. Il faut parler à une personne de confiance, ou à une ligne d’écoute. Enfin, si la personne se sent débordée par les angoisses, qu’elle ne peut plus suivre ses études ou aller travailler, il ne faut pas hésiter à consulter un professionnel.

Propos recueillis par Mathilde Loeuille

Crédit photo : AbsolutVision/Pixabay