Présidentielle 2022, la voix des assos – Mémoires et Partages

Chaque vendredi jusqu’à l’élection présidentielle, Podcastine donne la parole à une association de Nouvelle-Aquitaine pour qu’elle présente ses actions et explique ses attentes vis-à-vis du prochain mandat présidentiel. Patrick Serres est président de l’association Mémoires et Partages.

 

Podcastine : Pouvez-vous présenter l’association ?

Patrick Serres : Elle a été créée il y a 24 ans et compte aujourd’hui une centaine de bénévoles. L’association a été fondée autour d’une thématique principale : faire connaître et reconnaître le passé négrier de Bordeaux. Pour cela, il y a une dizaine d’années nous avons imaginé une visite guidée de la ville, un parcours en six étapes durant lequel nous revenons sur l’histoire de l’esclavage, notamment dans les ports de la façade atlantique. Depuis deux ans, nous avons également des parcours à Bayonne, La Rochelle, au Havre et à Paris. Il y a des visites ouvertes au public, sur inscription, et sur demande nous organisons aussi des visites de groupe, pour les scolaires par exemple.

Nous sommes aussi engagés sur la question de la signalétique urbaine. Certaines rues portent le nom d’anciens esclavagistes. Cela nous pose problème, que ces personnes qui ont participé à un crime contre l’humanité soient honorées. Nous avons donc lancé un plaidoyer dans les villes de la façade de la façade atlantique. Nous demandons que les municipalités apposent des panneaux explicatifs, sur le rôle de ces hommes dans l’Histoire.

Enfin, nous organisons tous les ans, en février, le Black History Month. Cette année, il était dédié à Joséphine Baker. Nous avons diffusé le film « Joséphine Baker, un destin français » en présence de l’un de ses fils et de la réalisatrice. Son rôle dans la résistance a été beaucoup évoqué lors de son entrée au Panthéon mais ce mois a aussi été l’occasion d’évoquer son engagement citoyen pour les droits humains, contre la ségrégation aux États-Unis notamment.

 

Qu’attendez-vous de la prochaine élection présidentielle ?

Il y a d’abord le volet de la réparation, qui est une grande question. Sur le plan financier, il faut rappeler par exemple qu’en 1804, lorsqu’Haïti est devenu indépendant après la révolte, les planteurs – dont 40% étaient aquitains – ont été évacués. Puisqu’ils avaient perdu leurs plantations, le gouvernement de l’époque a décidé de les dédommager. C’est un comble, les esclavagistes ont été aidés financièrement mais pas les esclaves et leurs descendants ! Nous souhaitons que cette question soit abordée aujourd’hui, particulièrement dans les DOM-TOM où l’on trouve encore les réminiscences de cette politique.

Par ailleurs, il n’y a pas que le volet financier lorsque l’on parle de réparation. Il faut aussi des initiatives d’éducation populaire autour de ces thématiques, autour des dates historiques. Aujourd’hui, en dehors du 10 mai, qui est la date où l’on commémore l’abolition de l’esclavage, les autorités ne s’emparent jamais de ces questions.

Une autre de nos revendications serait de créer un lieu ouvert et vivant, dédié à l’histoire de la traite des Noirs et à l’esclavage. La « maison contre les esclavages » est un projet que nous portons depuis plusieurs années. Nous voudrions qu’elle soit implantée à Bordeaux même si ce serait un lieu national. Il ne s’agirait pas d’un musée mais d’un lieu de débats, de projections.

 

La France est-elle en retard par rapport aux autres pays, sur les questions de reconnaissance et de réparation ?

Non, elle n’est pas en retard. La loi de 2001, par exemple, est très importante car elle a reconnu la traite des Noirs et l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Peu de pays ont fait de même. En Afrique, à part le Sénégal, aucun État n’a reconnu l’esclavage comme crime contre l’humanité.
Par ailleurs, la loi Taubira a aussi imposé le sujet dans les programmes scolaires au collège. Cela veut dire qu’avant, les professeurs d’histoire pouvaient parler de l’esclavage, mais ils le faisaient en dehors du programme. Depuis 2001, ils n’ont plus le choix et pour nous, c’est très important.

Mathilde Loeuille

Crédit illustration : association Mémoires et Partages