En écho à notre épisode « Cap Ferret : clap de fin ? »
D’une voix patiente et rodée à l’exercice, Vincent Bawedin, docteur en géographie, vulgarise au téléphone les termes scientifiques liés à l’érosion. Le chargé de mission « gestion du trait de côte et de la bande côtière » nous envoie également la documentation produite par son employeur, la communauté de communes des Grands Lacs, dans les Landes. Le prospectus explique que l’érosion « est normale. Le littoral est une zone d’échange entre la terre et l’océan. Son équilibre réside dans le fait d’être instable ».
Concrètement, tous les hivers, une partie du sable des dunes est emportée vers le large par les tempêtes, avant de revenir sur les plages l’été. « Mais comme les tempêtes sont de plus en plus fréquentes, le sable revient moins. » Le trait de côte, intersection de la terre et de la mer à marée haute, se rapproche inexorablement des infrastructures.
Le Grand Hôtel et deux villas menacés ?
Selon lui, le phénomène menace à court terme trois bâtiments emblématiques de Biscarrosse, le Grand Hôtel de la Plage et deux villas, « Les Embruns » et « La Rafale », qui abritent des appartements. « Selon les dernières projections réalisées, en 2 025 le trait de côte coupera les bâtiments ». La mairie de Biscarrosse n’a pas attendu cette date pour s’inquiéter. En juin 2019, elle a signé deux arrêtés pour interdire l’accès à une partie de la terrasse du Grand Hôtel ainsi qu’aux appartements de « La Rafale », sous motif de péril imminent. Dispositif complété en décembre 2020 par des arrêtés temporaires d’évacuation, en prévision de la tempête Bella.
L’affaire est arrivée au tribunal administratif de Pau car les copropriétaires de « La Rafale » contestent l’urgence du danger. « Personne ne met en doute le fait qu’on a un problème avec le trait de côte, mais la question est de savoir si la mairie pouvait, à ce moment-là, prendre un arrêté de péril imminent », explique leur avocat, Maître Vincent Poudampa, qui souligne que deux ans plus tard, les villas sont toujours debout. « Ce qu’il aurait plutôt fallu faire, c’est dire : dans cinq, dix ans, on aura un problème ».
Les arrêtés ayant été suspendus par la justice en mai dernier, les habitants ont donc de nouveau accès à leur logement. Mais le bras de fer n’est pas terminé. Hélène Larrezet, la maire divers-droite de Biscarrosse, maintient que son prédécesseur a eu raison de prendre cet arrêté en 2 019 : « C’est regrettable que l’on puisse penser que cette décision n’était pas fondée. Nous sommes absolument convaincus que nous devons être garants de la sécurité des personnes, et ces bâtiments sont fragilisés ». Un jugement sur le fond est attendu dans les prochains mois.
Mathilde Loeuille
Crédit photo : DennisBuntrock/Pixabay