Brassens, les censeurs et l’homme en colère (Partie 2/2)

En écho à notre épisode sur la Halle Brassens de Brive-la-Gaillarde

Dès ses premières chansons, Georges Brassens a été confronté à la censure, bousculant l’ordre moral. Sans que cela n’entrave sa popularité ni son succès. 

En 1952, Le Gorille, qui évoque un singe « obligé de violer un juge ou une ancêtre » pour perdre son pucelage, choque la morale et est interdit de diffusion. Clémentine Déroudille, autrice de Brassens, le libertaire de la chanson, détaille :
«
Même s’il écrit bien, c’est là que la mauvaise réputation joue : il emploie des mots grossiers, des mots de tous les jours. On oublie parfois le côté en colère contre la société. C’est un homme en colère qui parle, et c’est important de le dire. Dans “Le Gorille” par exemple, il évoque les thèmes de la peine de mort et de la justice ».

Très peu d’institutions sont épargnées par le poète sétois. Brassens « se moque littéralement de tout le monde ! », reprend Clémentine Déroudille. Il tourne notamment en dérision les prêtres, les gendarmes et les policiers, comme il n’hésite pas à le faire dans « Hécatombe », en insinuant que les gendarmes de Brive-la-Gaillarde n’ont pas de parties génitales. 

Europe 1 le propulse

Par peur d’obscénités potentielles, « les prêtres vont faire en sorte que l’on n’écoute pas Brassens », et incitent au boycott, rappelle la biographe.  Les forces de l’ordre, comme à Brive dans l’épisode relaté par Le Festin, l’évitent soigneusement.  Le comité d’écoute de l’ORTF finit par refuser catégoriquement ses textes, avant même d’en prendre connaissance. En tout, 19 de ses chansons sont censurées. C’est finalement par l’arrivée d’Europe 1, dans les années 1960, que Brassens passe la barre de la censure.

De cette période de répression, la popularité de l’artiste sort paradoxalement renforcée : plus on parle de lui, même en mal, plus ses albums se vendent. De son vivant, Georges Brassens a vendu environ 20 millions d’albums, un record pour son époque. Sans jamais trahir ses convictions, celles d’un homme libre et amoureux du verbe. « Il aimait profondément la poésie, il voulait être Villon », conclut Clémentine Déroudille. Brassens n’aura certes pas fini sur un gibet à Montfaucon, ce qu’il regrettera presque dans Le Moyenageux. Mais il aura laissé, comme François Villon, une trace durable dans la culture de son pays. N’en déplaise à la censure. 

 

Camille Bordas (avec Jean Berthelot de La Glétais)

Crédit photo : Magali Maricot