En écho à notre épisode « Le Pays basque sous les eaux, une crue et des questions en cascade »
Une crue importante de la Nive a inondé une partie du Pays basque en décembre dernier. Un événement qui va se répéter plus fréquemment dans le futur, en raison du réchauffement climatique. Et ce n’est pas le seul bouleversement qui guette les cours d’eau de la région. Alain Dupuy est hydrogéologue, directeur de l’école d’ingénieur ENSEGID et membre d’AcclimaTerra, le Comité Scientifique Régional sur le Changement Climatique.
AcclimaTerra a publié en 2018 un rapport sur les défis qui attendent la Nouvelle-Aquitaine face au changement climatique . On y lit notamment que la température des cours d’eau augmente ?
Alain Dupuy : Effectivement. Tout le monde parle de la hausse des températures atmosphériques, mais il faut noter que les eaux de surface suivent exactement la même tendance pour se mettre à l’équilibre thermique.
En 40 ans, la température des cours d’eau en Nouvelle-Aquitaine a augmenté de deux à trois degrés.
Cela a deux conséquences majeures. D’abord, quand la température de l’eau augmente, elle contient moins de gaz dissous, donc moins d’oxygène, ce qui est nocif pour la faune. Si certains endroits du cours d’eau n’ont plus assez d’oxygène, les poissons ne peuvent pas circuler. Ce qui entraîne des rivalités entre espèces dans un même lieu. Par ailleurs, de nouvelles espèces invasives, qui jusqu’ici n’étaient pas adaptées à notre climat, viennent s’installer dans nos cours d’eau.
On se dirige donc vers une baisse de la qualité de l’eau ?
Je vous disais que la quantité d’eau précipitée va rester la même, mais que le régime des précipitations va changer. Le régime hydrologique va donc également être modifié. C’est-à-dire qu’en été, au moment de l’étiage, donc quand l’eau des cours d’eau est naturellement à son niveau le plus bas, le débit va chuter. Cela va être le cas partout en France et particulièrement dans le Sud-Ouest. La température de l’eau augmente, il y a moins de débit… forcément, la qualité va baisser.
Quelles sont les solutions ?
Les grands facteurs environnementaux, comme l’élévation des températures, sont directement liés à la concentration des gaz à effet de serre… et le problème du CO2, c’est qu’il a une demi-vie de cent ans. La moitié des masses que l’on injecte aujourd’hui dans l’atmosphère sera donc encore là dans cent ans. Pour limiter cela, il faut limiter les rejets de CO2. Mais à plus court terme, il va falloir s’adapter. On peut redonner de l’eau aux cours d’eau, mais encore faut-il la trouver. Quelle eau y met-on ? De quelle qualité ? On peut déjà commencer par moins rejeter. Les stations d’épurations devront notamment faire attention, car il y a aura moins d’eau disponible pour diluer leurs rejets.
Il faudra peut-être aussi redonner au sol sa fonction de rétention d’eau en augmentant sa porosité, sa teneur en matières organiques. L’avantage, c’est que cette eau dans le sol sera favorable au développement des plantes qui sont au-dessus. Si ça évapotranspire, cela rafraîchira l’atmosphère donc c’est bénéfique aussi. Et si l’on a de l’eau dans le sol, elle pourra percoler vers les nappes qui seront ainsi rechargées. Ce sont ces nappes qui donnent de l’eau aux cours d’eau. En conclusion, si l’on améliore ce grand cycle de l’eau, in fine les cours d’eau se sentiront mieux. Mais c’est une action complexe, qui doit être menée sur plusieurs niveaux.
Propos recueillis par Mathilde Loeuille
Crédit photo : Roses_Street/Pixabay