Alors que le Rassemblement national se trouve aux portes du pouvoir, il s’apprête à appliquer un plan funeste de destruction de la démocratie. À quelques jours du second tour des législatives, l’heure est au sursaut républicain. Naturellement, Podcastine s’engage pour faire barrage à l’extrême droite.

Aujourd’hui la vague bleu Marine déferle. Ou bien était-ce hier, difficile à estimer avec précision. Le dimanche 30 juin, le Rassemblement national est arrivé en tête des élections législatives (33,15 %). Beaucoup de Français sont depuis sidérés, dépités, effrayés. L’accession au pouvoir de l’extrême droite française, pour la première fois depuis l’Occupation, replonge le pays dans ses heures les plus sombres. Mais malgré ce score, à quatre jours du second tour capital pour l’avenir de la Ve République, ce n’est ni l’ataraxie ni le chaos. Car seulement 76 députés ont été élus lors du premier tour. Le 7 juillet prochain, 500 circonscriptions seront encore en jeu. Ailleurs, partout, les deuxièmes manches s’annoncent serrées car avec les désistements, tout peut changer. Dans les bureaux de vote, l’enjeu local s’y fera national. Mais à quoi le pays, justement, s’apprête-t-il réellement à faire face ?

Démocracide

Plus qu’un programme électoral incohérent et trompeur, le Rassemblement national porte surtout, en filigrane, un projet politique funeste pour la République et ses institutions. En se contentant des éléments de langage vagues et atténués des représentants du parti, il est difficile d’en prendre la pleine mesure. Mais en décortiquant plusieurs années de propositions estampillées « RN » et de manœuvres discrètes, la lumière est faite sur une volonté d’atteindre la démocratie au cœur. Une fois au pouvoir, décrets et 49.3 viendront bien sûr faire passer les mesures du parti en force. Toutefois, l’objectif final sera bien de saper toutes les institutions et tous les protocoles du régime semi-présidentiel français.

Première victime ? Le Conseil constitutionnel qui contrôle la compatibilité des lois proposées avec la Constitution française. Le 8 avril 2022, l’avocat Pierre Gentillet, candidat RN dans la 3e circonscription du Cher aux législatives 2024, en avait sans doute trop dit. « Faire repasser le politique au-dessus du juridique », nécessitera « la mise au pas du Conseil constitutionnel ». Une fois cela fait, rien n’empêchera plus le parti de Jordan Bardella de mettre en place ses mesures les plus extrêmes. En témoignent l’abrogation du droit du sol et une loi spécifique sur les binationaux, qui cachait en réalité la volonté de leur interdire l’accès à tout poste de service public. Pierre Gentillet, encore lui et toujours en avril 2022, assurait que le « peuple français n’était pas qu’une notion juridique » mais bien une notion « empirique et organique ». Pour rappel, il est un des principes du fascisme de rejeter la notion d’égalité au nom « d’un ordre hiérarchique naturel ».

Viendront ensuite les interdictions de manifester, sous-entendues dans la remise en cause de Jérôme Buisson, dans les paroles de Jean Philippe Tanguy le 23 juin ou carrément proposées par Marine Le Pen lors de la Loi El Khomri. Les syndicats, « premier verrou à faire sauter », selon Marine Le Pen en 2016, seront également muselés, quand des associations de terrain pourraient voir leurs subventions tout simplement supprimées. C’est en tout cas une proposition de Marion Maréchal, ralliée au RN.

Modèle à fuir

En toile de fond, toutes ces mesures seront potentiellement appuyées, soutenues et légitimées par des référendums nationaux venant court-circuiter le débat parlementaire. Nous ne pourrons plus compter sur l’école pour ouvrir l’esprit critique après la suppression du collège unique et l’idée saugrenue que celle-ci doit « rendre fier de son identité nationale ».

Mais surtout, elles seront portées par un nouveau paysage médiatique totalement transformé. Les candidats nationalistes l’ont tous rabâché : ils privatiseront immédiatement le service public de l’audiovisuel. Radio France et France Télévision, qui assurent encore le peu de pluralisme politico-médiatique que requiert un pays démocratique, seront démantelées et vendues aux plus offrants. Imaginez alors ces médias historiques se transformer en CNEWS ou Europe 1-bis, tandis que le groupe Bouygues (TF1) sera dépendant de la commande publique dans le BTP – et donc de l’État Bardella – pour survivre. La presse indépendante, elle, serait facilement étouffée par des procès baillons ou un acharnement fiscal des plus légaux.

Ne voyez dans ce descriptif mortifère nulle once de politique fiction. Car tout cela s’est déjà produit, quasiment à l’identique, en Hongrie. C’est de cette façon qu’en seulement 10 ans, Victor Orban a pris le pouvoir, pour ne plus le lâcher depuis. Après avoir réformé la Constitution de son pays pour donner tous les pouvoirs au parti majoritaire, ce que compte également faire Marine Le Pen, il a libéralisé les médias publics, transformés en canaux de propagande. Dans son pays, aux législatives de 2022, l’opposition hongroise n’a bénéficié que de 5 minutes de temps de parole sur les chaînes publiques. Cette stratégie est le modèle principal de Marine Le Pen et de ses disciples. Avant d’obtenir un prêt de 10 millions d’euros d’une banque hongroise en 2022, la présidente du Rassemblement national allait valser, dix ans plus tôt, avec les nazis de Vienne.

Le barrage avant la barricade

Alors devant pareille entreprise, devant pareil engrenage actionné et huilé depuis des années, que faire ? La réponse est simple : seul un report de voix massif au second tour, de Renaissance vers le Nouveau Front Populaire et vice-versa (incluons aussi les quelques membres des Républicains), pourrait permettre de bloquer les candidats du Rassemblement national. L’heure n’est plus au calcul, il est au barrage. Au-devant de la vague autoritariste, nous, citoyens républicains, sommes la digue. Celle qui protègera nos racines humanistes et nos jeunes pousses de la houle furieuse. Pas de bulletin blanc, pas d’abstention teintée de désespoir, mais un vote plus qu’utile, vital.

– Vous êtes de gauche et n’aimez pas Les Républicains ?
Votez LR s’il le faut.
L’héritage gaulliste et chiraquien survit encore dans le camp de la droite républicaine

– Vous êtes de droite et vomissez La France insoumise ?
Votez LFI s’il le faut.
Ils ont clarifié leurs positions sur l’Ukraine, l’antisémitisme et le nucléaire. Et puis, vous aurez le loisir de les contrer dans l’Hémicycle en cas de majorité relative.

– Vous êtes de gauche et détestez Renaissance ?
Votez pour eux s’il le faut.

– Les Verts et les communistes vous prennent la tête ?
Votez pour eux s’il le faut.
Nous leur devons, entre autres, la Sécurité sociale.

– Le Hollandisme vous a dégoûté du PS ?
Votez pour le PS s’il le faut.
Ce dernier, en adoubant le programme du NFP, semble avoir reconnu ses erreurs passées.

Faites-le. Avec des gants, les yeux fermés ou une pince sur le nez, mais faites barrage. Car ensuite, ces ennemis politiques, vous pourrez les combattre, les bloquer et les contester. Mais si le Rassemblement accède au pouvoir, il n’y aura plus de marche arrière possible. Quand l’extrême droite gagne l’appareil d’État, l’extrême droite se sert de tous les outils de l’État pour rester au pouvoir. L’Histoire, contemporaine comme ancienne, nous a enseigné cette leçon.

Les violences racistes, sexistes, transphobes et homophobes vont se multiplier. Nous en avons déjà eu des exemples ne serait-ce que ces dernières semaines. Les membres cadres du Rassemblement national, souvent issus de groupuscules identitaires violents, ayant des penchants pour le nazisme, vont prendre progressivement le contrôle de l’administration, de la diplomatie, des préfectures, de la police et de la justice. Dans ce système verrouillé de l’intérieur, tout ce qui ressemblera à un contre-pouvoir sera balayé. Si, à l’heure actuelle, vous n’êtes pas menacé directement par le parti de Marine Le Pen et de Jordan Bardella, cela pourrait venir. Et si ce n’est pas le cas, cela sera sans doute vos enfants, qui aspireront à leur tour à penser par eux-mêmes.

La peste brune, polie et vernie, est toujours aussi rance. Et elle prolifère déjà. Ensembles, reconstituons d’urgence le cordon sanitaire. La démocratie nous a donné le vote et les droits. Nous avons, désormais, le devoir de la protéger.​

Le Monde – « Marine Le Pen, invitée d’honneur au bal de l’extrême droite européenne à Vienne »

L’Express – « Marine Le Pen valse à Vienne avec des pangermanistes »

Franceinfo – « Législatives 2024 : Ludivine Daoudi, candidate RN à Caen, retire sa candidature après la diffusion d’une photo d’elle portant une casquette de nazi »

Le Parisien – « On est en France ici, tu es pas chez toi » : récit d’une violente agression raciste dans l’Ain »

Libération – « Agression homophobe à Paris : Gabriel Loustau, leader du GUD Paris, interpellé et bientôt jugé »

Le Parisien – « Binationaux et emplois : ce que défendait le RN dans sa proposition de loi constitutionnelle en janvier »

Assemblée nationale – « Proposition de loi constitutionnelle n°2120 »

Le Monde – « Manifestation interdite : quand Marine Le Pen se contredit »

Le Figaro – « Le RN compte bien privatiser l’audiovisuel public, confirme Jordan Bardella »

BFM TV – « Manifestations contre le RN: « C’est une façon de contester la démocratie, le choix des Français », réagit Jérôme Buisson, député sortant RN »

Le Monde – « Manifestation interdite : quand Marine Le Pen se contredit »

Le Vent se lève – « Le Pen : un programme de guerre sociale »

BFM TV – « MARION MARÉCHAL-LE PEN VEUT SUPPRIMER LES AIDES AUX PLANNINGS FAMILIAUX ET AUX ASSOCIATIONS LGBT »

Le Parisien – « Présidentielle : Marine Le Pen veut une proportionnelle pour les deux tiers des députés »

Marianne – « Hongrie : « Orbán construit un système sans issue, qui ressemble à celui de Poutine » »

Reporters Sans Frontières – « Hongrie »

BFM TV – « PRÉSIDENTIELLE: MARINE LE PEN A BIEN OBTENU UN PRÊT D’UNE BANQUE HONGROISE POUR SA CAMPAGNE »

Franceinfo – « Education : « Nous souhaitons que les élèves français soient fiers de l’Histoire de France et de leur identité nationale », affirme Julien Odoul »

BFM TV – « LÉGISLATIVES: JORDAN BARDELLA SOUHAITE REMPLACER LE COLLÈGE UNIQUE PAR UN COLLÈGE « MODULAIRE » »

Alexandre Camino

Crédit photo : Damien Checoury via Unsplash
En écho à notre épisode : « À l’Assemblée, la stratégie « caméléon » du RN »