« La concentration en ozone va augmenter et on ne pourra rien y faire »

En écho à notre épisode « Bordeaux au bord de l’asphyxie »

 

(Partie ½) Le changement climatique va avoir un impact sur la qualité de l’air. Certains polluants d’origine naturelle vont se multiplier, et nous ne pourrons rien y faire. Eric Villenave est chercheur au CNRS et professeur de chimie atmosphérique à l’université de Bordeaux.

 

Podcastine : Avec le changement climatique, les températures vont augmenter. Les épisodes de sécheresse vont se multiplier. Doit-on en conclure que les incendies seront également plus fréquents, et que cela entraînera une baisse de la qualité de l’air ?

Eric Villenave : Les événements extrêmes, dont les feux de forêt, vont se produire plus fréquemment. C’est reconnu par les travaux du GIEC. Cela va avoir un impact sur la qualité de l’air, surtout à cause des particules de suie, mais aussi à cause d’autres composés qui accompagnent l’émission des particules lors de ces feux.

 

La région Nouvelle-Aquitaine sera-t-elle plus ou moins touchée que les autres ?

Nous avons une spécificité qui est que la forêt des Landes est anthropisée, c’est-à-dire entretenue par l’homme. Il y a des pare-feu extrêmement efficaces, donc contrairement aux forêts naturelles du Sud-Est, l’accès des pompiers est facilité. Il y a des feux chaque année, mais ils sont rapidement éteints grâce à cette disposition de pare-feu qui couvrent le million d’hectares de la forêt.
D’autre part, nous avons un climat océanique, il pleut beaucoup. Ces pluies font devenir de plus en plus violentes, accompagnées de vent. Le vent peut encourager et diffuser les feux, en revanche la pluie va moins favoriser l’éclosion des incendies.

 

Ces particules se propagent-elles rapidement, et restent-elles longtemps dans l’air ?

Cela dépend du transport des masses d’air. Si elles sont stagnantes, la concentration en particules va rester extrêmement localisée par rapport au feu. Mais s’il y a du vent, les particules peuvent être transportées sur des centaines de kilomètres. Je peux citer en exemple l’incendie de 1949 à Cestas, dans la forêt des Landes. Toute la ville de Bordeaux avait été recouverte, au niveau atmosphérique, par des particules très denses.

 

Un rapport de 2018 d’AcclimaTerra, le comité scientifique régional sur le changement climatique, explique qu’il faut s’attendre à des augmentations de teneurs en ozone et en composés organiques volatils. Pouvez-vous nous expliquer ce sont les composés organiques volatils, et pourquoi leur nombre va augmenter ?

Les composés organiques volatils sont des composés qui sont sous forme gazeuse dans l’air. Ils peuvent être de nature anthropique, notamment le transport routier. Mais à cause du changement climatique, il y a aussi des composés d’origine organique, émis par les arbres. Et plus les arbres vont manquer d’eau, plus ils vont réagir en sécrétant ces composés organiques volatils.

Ces composés interviennent dans le cycle de création de l’ozone. C’est un oxydant extrêmement puissant. Quand il est haut dans l’atmosphère, à 25 kilomètres au-dessus de nos têtes, on parle de la couche d’ozone qui nous protège contre les rayons UV les plus nocifs. Mais il y a également de l’ozone en bas, trop proche de nous, et aujourd’hui on sait qu’il y a une corrélation importante entre la concentration en ozone dans l’air et le nombre d’asthmatiques, ou de bronchiolites chez les enfants. L’ozone a besoin de rayonnements pour se former, donc avec le réchauffement climatique on s’attend à ce qu’il y ait une augmentation, ou a minima une stagnation, de la concentration en ozone. Ce n’est pas bon pour la santé.

Les réglementations sont de plus en plus strictes pour faire baisser la concentration des polluants dans l’air, mais l’ozone a cette particularité d’être un polluant secondaire. Cela veut dire qu’il n’est pas directement émis par des activités spécifiques dans l’atmosphère. On ne peut pas le contrôler.

 

On ne pourra donc rien y faire ?

Exactement, on va regarder cette augmentation, la subir. Plus la température va monter, à cause de l’augmentation du rayonnement solaire, plus il y aura d’ozone.

 
Propos recueillis par Mathilde Loeuille

Crédit photo : Jay Mantri/Unsplash