Le Précis – « Ces parents que l’on ne saurait voir : faire face aux préjugés »

Élevé un enfant lorsque l’on est en situation de handicap n’a rien d’un parcours de santé. Livrés à eux-mêmes, entre freins administratifs, manque d’accompagnement et infantilisation, les parents concernés tentent de surmonter les obstacles dressés par une société empreinte de validisme.

Si fonder une famille est perçu comme étant dans l’ordre des choses, la perception de cette envie s’avère bien différente lorsqu’elle est embrassée par des personnes en situation de handicap. Dans notre série « Ces parents que l’on ne saurait voir », en quatre épisodes, nous revenons sur cette forme de discrimination qui ne dit pas son nom, ultime illustration d’une société où le validisme est la norme. Pourtant, ils sont nombreux, chaque année et en dépit des préjugés, à fonder une famille. Et nous les avons rencontrés. S’ils ont entamé des parcours d’obstacles singuliers, ils ont pour la plupart fait face aux mêmes préjugés sur leur parentalité à venir. Qu’ils aient un handicap moteur, sensoriel, ou une déficience intellectuelle, beaucoup veulent devenir parents. S’ils sont confrontés à leurs propres doutes, ils doivent surtout braver les normes sociales, affronter les préjugés.

Dans un validisme ambiant et normé, c’est comme si « parentalité » et « handicap » étaient deux mots incompatibles, comme si la société niait leur désir de famille. « Quand je promenais ma poussette, les gens me regardaient mal. On ne devrait pas avoir d’enfants en fait ! », nous lance Karine. Âgée de 23 ans, elle est un jour tombée dans des escaliers en colimaçon, perdant l’usage d’une de ses jambes. Maintenant, elle ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Bertrand Coppin, éducateur spécialisé de formation, aujourd’hui directeur général de l’IRTS Hauts-de-France, l’Institut Régional du Travail Social et spécialisé dans le domaine du handicap intellectuel, constate mais dénonce ce regard accusateur. « Il y a une vraie injustice à leur égard. On considère d’emblée qu’ils n’ont pas les capacités d’éduquer un enfant. »

Malgré cela, tous ont refusé de croire ce soupçon d’incompétence qui pesait sur eux et ont fini par inventer leurs propres solutions. Ils ont fait preuve d’imagination pour trouver des astuces. Retrouvez l’intégralité des témoignages dans notre épisode. Ainsi, pour Karine, il était hors de question de ne pas vivre sa maternité comme tout le monde. Il lui fallu alors adapter chaque aspect de sa vie quotidienne au fauteuil roulant : bricoler un lit à barreaux équipé d’une porte verrouillable à la bonne hauteur, raccourcir les pieds d’une table à langer, opter pour une grande écharpe plutôt qu’un porte-bébé classique. « On s’est débrouillés tout seuls », affirme-t-elle fièrement, montrant que les parents en situation de handicap sont tout sauf incapables.

Publié le 29 novembre 2023

Crédits photos : Martin Harry