Le Précis : « Looking for Jacqueline – Qui pouvait agir ? »

Entre gêne des commerçants et désintérêt des riverains, Jacqueline P. a trouvé la mort seule, en 2022, dans son appartement situé à Libourne. Dans ce nouvel épisode, Podcastine a interrogé ceux qui, d’ordinaire, savent répondre aux signaux de danger : la gendarmerie et la mairie. Ces deux institutions expliquent le rôle qu’ils ont joué dans cette histoire hors du commun, et comment cela les a poussés à repenser la question de la solitude des personnes âgées.

Ils sont bien souvent ceux vers qui se tournent les personnes dans le besoin au niveau local. Pourtant, ils n’ont pas pu anticiper ni empêcher la disparition esseulée de Jacqueline P. en 2019. Après les voisins et les commerçants, nous avons passé la porte de la gendarmerie de Libourne. Habitué aux faits divers difficiles, les gendarmes ont été particulièrement marqués par le jour de la découverte. Leur témoignage nous a permis de comprendre comment l’odeur de la décomposition avait pu ne pas alerter le voisinage pendant toutes ces années. Plusieurs facteurs expliquent l’absence d’odeur. Jacqueline était très sensible aux bruits, elle avait calfeutré ses fenêtres et ses portes, empêchant également les odeurs de s’échapper. D’autre part, sa maladie l’amenait à maintenir assez haute la température de son appartement, créant une atmosphère chaude et sèche… Enfin, selon une source médicale, la septuagénaire prenait des anticoagulants dans le cadre de son traitement contre le cancer. Un produit utilisé par les thanatopracteurs pour embaumer un corps. Le corps de Jacqueline a ainsi été momifié.

Le maire de Libourne de son côté, comme c’est souvent le cas, a été directement impliqué après la découverte du corps. Philippe Buisson se souvient des circonstances dans  lesquelles il a pris connaissances de ce fait divers. « C’est une affaire que j’apprends de manière progressive. J’apprends d’abord une fuite d’eau, ce qui ne me stresse pas trop. Un quart d’heure plus tard, on me dit qu’on a retrouvé un cadavre. Je n’en savais pas plus. Puis j’apprends que c’est une vieille dame, et enfin qu’elle est morte depuis trois ans. C’est un vrai drame de la solitude, une mort sociale qui précède la mort. Ça questionne le maire que je suis au titre de la municipalité. Ça questionne l’individu, comment notre société fonctionne et prend soin de ses membres. »

Ce drame latent, la mairie est bien décidée à en tirer des leçons. Cela passera par notamment par une meilleure communication entre la municipalité et les soignants. Car comment accepter que l’hôpital de Libourne ne s’inquiète pas des absences de Jacqueline P. à ses rendez-vous médicaux ? Demander au CCAS, le Centre communal d’action sociale, de mieux veiller ? Pourtant, l’organisme censé apporter une aide et un soutien aux personnes en difficulté (en particulier aux personnes âgées ou  handicapées) semblait être efficace. Car dans une cruelle ironie, quelques semaines avant la découverte du corps et le choc, Libourne avait reçu le label « Ville amie des ainés ».

Publié le 25 octobre 2023

Crédits photos : Martin Harry