La poétesse Nathalie Man publie « Les hommes sont absents », aux éditions Lanskine. Dans ce livre, l’autrice fait le récit de femmes qui se sont construites malgré l’oppression patriarcale, entre la France et l’Espagne.
« J’ai manqué de soleil, peut-être même de ta voix. Je voulais te dire qu’à chaque seconde, le temps revient en arrière. Comme si chaque vague s’éloignait de la rive, je suis au plus profond de l’attente. Et j’ai tout mon temps. » Ce poème fait partie des multiples saillies lyriques que l’on peut voir accrochées aux murs de Bordeaux. C’est l’œuvre de Nathalie Man, une street-artiste accomplie, au micro de Jean Berthelot de la Glétais. Ses mots, toutefois, sont aussi bien couchés sur le papier. La poétesse a déjà publié « Le journal d’Elvire » aux éditions Le bord de l’eau, « Impression de Pékin », aux éditions les Xérographes. Cette fois, elle signe « Les hommes sont absents », aux éditions Lanskine. Le livre fait le récit de trois générations de femmes : sa grand-mère, sa mère et… elle-même. Les histoires de liens forts entre pays, les aînées ayant vécu dans l’Espagne de Franco, la dernière ayant grandi en France. « Ma mère me racontait des scènes de l’enfance. À l’école, elle montait le drapeau de la phalange puis de l’Espagne avant de chanter l’hymne phalangiste, fasciste », raconte-t-elle.
Fil rouge de l’ouvrage, ces trois femmes distancées par le temps ont toutes vécu dans une atmosphère très marquée par le patriarcat. Beaucoup de non-dits, de tabous, de violences et d’oppressions banalisées, notamment liés à la sexualité, au rapport au corps et à la santé des femmes. « À 20 ans, quand j’ai demandé des conseils de sexualité à ma mère, elle m’a dit que j’en savais plus qu’elle. Je me suis dit que c’était grave. Les correspondances de l’époque étaient particulièrement éclairantes. Il n’y avait pas de place pour le plaisir des femmes à cette époque », décrit-elle. Engagée aussi bien par la forme de son processus de création artistique que par le fond de son livre, l’autrice revendique avoir écrit « un livre féministe ». « C’est évident, je parle de récits de femmes. Je ne veux pas accabler le lecteur, mais je ne veux pas l’épargner non plus, lance-t-elle. Je veux qu’un individu de tout genre, puisse être le plus libre possible dans ses choix et avoir un amour intouchable pour son corps et son être. Ça n’a pas été le cas pour ma grand-mère, pour ma mère, ni pour moi. » C’est en replongeant dans la vie de ses parentes, que Nathalie Man met en lumière les combats qui restent à mener. « Je dois beaucoup à celles qui m’ont précédée. »
Alexandre Camino
Crédits photos : Jean Berthelot de la Glétais
En écho à notre épisode : « Nathalie Man, no man’s land »