Syndrome des ovaires polykystiques (1/5) : « Je suis devenue un cobaye de pilules »

Tout au long de cette semaine, Podcastine mêle les témoignages de neuf femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques, un dérèglement hormonal qui touche une femme sur dix. La pathologie, largement méconnue, est mal prise en charge.

 

« Les règles ça fait mal, c’est normal ». Cette phrase, presque toutes les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques qui se sont confiées à Podcastine l’ont entendue. Dans la bouche de leur famille, de leur médecin traitant, de leur gynécologue. Alors adolescentes, elles consultaient pour des règles irrégulières. « Rien de grave à cet âge » leur a-t-on répondu. Elles ont par la suite développé différents symptômes, jamais les mêmes d’une personne à l’autre. Il n’y a pas un profil type de femme souffrant du SOPK, mais toutes leurs histoires ont un début commun : ces cycles irréguliers. « Il faut vraiment éveiller les consciences des parents, qu’ils s’inquiètent quand leur fille est mal réglée » affirme Léa. 

 

Pour cette jeune femme de 23 ans, habitante des Pays de la Loire, les symptômes ont commencé au collège. En classe de troisième, elle est pliée en deux sur sa table, victime de douleurs très localisées en bas du ventre. Les premiers examens médicaux s’orientent vers les intestins : « J’ai même dû passer des coloscopies, c’est allé loin, tout ça à 15 ans… » Aucun examen ne porte sur les ovaires. En classe de seconde, sa mère finit par l’emmener chez son gynécologue.

« A ce moment-là, je deviens un cobaye de pilule contraceptive, j’en essaie une dizaine en moins de trois ans. J’ai même pris un traitement hormonal pendant six mois, je n’avais plus de règles mais les douleurs restaient présentes. »

Le premier kyste ovarien est découvert à ses 20 ans, puis des examens plus poussés révèlent les traces d’anciens kystes. Cinq ans après le début de ses douleurs, Léa entend parler du syndrome des ovaires polykystiques. 

 

Errance médicale 

 

Caroline aussi a été mise tôt sous pilule, à 13 ans, pour réguler ses cycles avec des règles artificielles. Arrivée à sa majorité, la jeune Alsacienne ne souhaite plus prendre d’hormones et arrête la pilule. Les symptômes ne tardent pas à arriver : règles hémorragiques très douloureuses et irrégulières, avec des cycles allant de 20 à 70 jours, hirsutisme, soit le développement excessif de la pilosité… « J’étais aussi en surpoids mais mon médecin me disait que c’était à cause de mon alimentation. Pourtant, j’enchaînais les régimes mais ça ne marchait pas ». À 25 ans, elle se sent extrêmement fatiguée. Un bilan sanguin et la détection d’un problème à la thyroïde la poussent à consulter un endocrinologue. C’est lui qui diagnostique le SOPK. 

 

De son côté, Amélie a pris la pilule Diane 35 pendant toute son adolescence et le début de sa vie étudiante : « Elle est très dosée mais je n’ai jamais eu d’effet secondaire ». Pourtant, lorsqu’elle consulte une nouvelle gynécologue, cette dernière refuse de la lui prescrire. « Elle disait que ça pouvait provoquer de la tachychardie. »  Amélie, qui commençait déjà « à en avoir marre des hormones« , décide alors d’arrêter la pilule. Le mois suivant, elle n’a pas ses règles : « On me dit que c’est normal, qu’il faut six mois pour se sevrer après l’arrêt. » Ses menstruations ne reviennent pas pendant un an.  «C’était problématique, j’avais des relations intimes et je ne pouvais pas suivre mon cycle ». Au-delà de cette absence de règles, elle a de fortes migraines, « une boule de bowling dans le crâne », de l’acné. Une prise de sang montre un dérèglement hormonal, sa gynécologue demande une échographie ; sur chaque ovaire, Amélie a environ huit kystes. 

 

Diagnostiquée SOPK, elle on lui prescrit de l’Androcur, un traitement utilisé pour les maladies hormonales. « Rapidement, je retrouve un cycle, mon acné diminue », explique la jeune parisienne. Elle qui considère « avoir toujours été un peu ronde, sans être en surpoids » perd deux kilos en un mois. Elle part à l’étranger quelques mois après le début du traitement, « là-bas je perds beaucoup de poids, je ne vais pas bien, je fais une dépression ». A son retour, elle est quasiment anorexique. En se penchant sur la notice d’Androcur, elle lit que la dépression et la perte de poids font partie des effets secondaires. En accord avec son médecin, elle arrête le traitement. « En tout je l’ai pris pendant un an et huit mois et j’ai perdu 12 kilos ». A la même époque, l’été 2018, l’Androcur se retrouve au cœur d’un scandale sanitaire. Une étude de l’Assurance maladie et de l’Agence nationale de sécurité du médicament alerte sur les risques de méningiomes, soit de tumeurs au cerveau, liés à son utilisation 

 

Après l’arrêt d’Androcur, Amélie reprend du poids, voit un psychologue, « j’avais 21 ou 22 ans, un âge où on a pas envie de se préoccuper de tout ça ». La jeune femme commence à remonter la pente, mais refuse de voir un médecin : « je n’avais plus confiance».

Retrouvez la deuxième partie des témoignages en cliquant ici.

 

Le syndrome des ovaires polykystiques, SOPK, est un dysfonctionnement hormonal qui touche une femme sur dix selon l’INSERM. L’institut national de la santé et de la recherche médicale le décrit en ces termes : « le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est dû à un dérèglement hormonal d’origine ovarienne et/ou centrale (au niveau du cerveau). Il entraine une production excessive d’androgènes, en particulier de testostérone, habituellement produites en petite quantité dans l’organisme féminin.

Le nom de cette maladie vient de sa description, effectuée dans les années 30, reposant sur l’observation de ce que l’on peut penser être des kystes dans les ovaires des patientes. En réalité, il s’agissait de multitudes de folicules au développement inachevé. » Or, les folicules doivent maturer pour provoquer l’ovulation. Le SOPK peut entraîner des symptômes variés : problèmes de fertilité, surpoids, hirsutisme soit développement excessif de la pilosité, sautes d’humeur, etc. Aujourd’hui, il n’existe pas de traitement curatif.

Mathilde Loeuille