Ukraine, carnet de bord – De passage à Lviv (05/03)

Guillaume Ptak est journaliste indépendant, correspondant pour plusieurs médias dont Les Échos, diplômé de l’Institut de Journalisme Bordeaux-Aquitaine. Installé à Kyiv depuis septembre 2021, il couvre aujourd’hui la guerre opposant l’Ukraine à la Russie.
Podcastine, qui lui a récemment consacré un podcast, lui ouvre aujourd’hui ses colonnes pour accueillir son carnet de bord. Il y racontera régulièrement son quotidien de reporter et ses ressentis.

 

Lviv (05/03)

Enfin. Après une semaine passée dans un couvent de sœurs bénédictines à Przemysl, en Pologne, nous traversons finalement la frontière ukrainienne. 6 jours épuisants, passés à couvrir l’exode des réfugiés fuyant l’avancée des troupes russes, et à finaliser notre déplacement en Ukraine : grâce à l’aide d’autres journalistes, dont une collègue des Échos, nous avons fini par obtenir des gilets pare-balles. Une condition sine qua non pour couvrir le conflit.

Ce samedi, en début d’après-midi, nous passons donc enfin la frontière entre la Pologne et l’Ukraine. Le sentiment qui m’envahit alors est indescriptible. Un mélange de soulagement, de joie fugace, de tristesse aussi. Le train, dans ce sens, est vide. À la frontière, il s’immobilise en face de celui, bondé, qui achemine des familles ukrainiennes vers la Pologne.

Arrivés à Lviv, nous nous mettons en quête d’une solution pour quitter la ville au plus vite. Nous souhaitons nous rendre à Odessa, et éviter la foule des autres journalistes. Mais à la gare, c’en est une autre qui nous attend : à l’intérieur, une cohue indescriptible. Des milliers de réfugiés désespérés tentent de monter à bord des derniers trains pour la Pologne. Au moment de rejoindre le quai, nous sommes pris en étau par la foule. La chaleur est insoutenable. Les gens sont écrasés contre les murs. Des cris déchirants retentissent à travers les couloirs : « Avancez, je ne peux plus respirer ! » Nous parvenons à nous échapper par le premier escalier, et devons enjamber les rails pour rejoindre notre quai. Je suis épuisé, je tremble. Avec une demi-heure de retard, le train pour Odessa arrive, et nous montons à bord.

Guillaume Ptak