École alternative: «On nous laissait le libre choix»

Le Centre expérimental pédagogique maritime en Oléron (CEPMO) propose, depuis près de quarante ans, un enseignement alternatif axé sur la connaissance de soi. Un lycée des possibles et de l’autonomie raconté par trois anciens élèves.

 

Scolarisés entre 2000 et 2010, Virginie, Magdalena et Janssen se remémorent avec allégresse leurs années lycée passées au CEPMO : c’était le temps de l’épanouissement. L’enseignement alternatif qui y est proposé fait écho à la pédagogie Freinet, dont Simon Barthélémy expose les fondements et les réticences avec son article « Que reste-t-il de la pédagogie Freinet ? » paru dans Rue89 Bordeaux et dans l’épisode Podcastine « Freinet, à l’école de l’indépendance ». Lieu d’apprentissage à la coopération et à la compréhension de soi, le lycée expérimental de l’île d’Oléron favorise l’autonomie et rassure sur l’avenir.

 

Podcastine: Qu’est-ce qui différencie le CEPMO de l’enseignement classique ?

 

Magdalena : Déjà, lors de l’entretien avec trois professeurs pour intégrer l’école, je me sentais plus à l’aise d’exprimer mes besoins. Ils me considéraient comme leur égal. Tant et si bien que j’ai eu l’impression de discuter avec des amis de mon père de mes centres d’intérêt. J’ai le souvenir que toutes et tous adoraient leur métier. Ils n’avaient qu’une envie ,c’était de partager avec nous leurs connaissances, sans parler du futur, sans pression sociale du bac. Il y avait un échange de connaissances parce qu’ils estimaient qu’on pouvait leur faire découvrir des choses.

 

Janssen: Comme Magdalena, je me suis senti considéré. Au collège, je n’étais pas à l’aise avec le rapport de domination que les professeurs entretenaient. L’équité est importante pour moi : je préfère l’échange au monologue. Si tu m’apprends quelque chose, je peux en faire autant ! Il y avait un vrai sens de l’écoute, de l’observation de nos comportements. Surtout, il n’y avait pas d’attentes de résultats.

 

Virginie: Oui, le cadre scolaire était souple : on nous laissait le libre choix de ce qu’on voulait étudier ou créer. J’étais assez forte en espagnol mais le lycée ne le proposait pas en LV1. Hors établissement, je retrouvais ma prof – qui est devenue une amie ! – pour travailler. Au bac, j’ai eu 19 ! J’ai exprimé mon intérêt pour cette discipline et l’équipe pédagogique m’a entendue. On m’a laissé faire ce que je pensais être bon pour moi. Parce qu’il y avait cette liberté.

 

Comment se concrétisait au quotidien cette écoute de vos besoins et envies ?

 

Janssen : On avait des entretiens individuels qui pouvaient se faire n’importe quand. Même quand on ne comprenait pas une leçon. Une fois, un peu dispersé dans mon apprentissage des maths, j’ai retrouvé mon prof, Aziz, autour d’un verre. Bizarrement, j’ai compris la leçon ! Dans mon souvenir, il le faisait pour toutes et tous quand il sentait qu’on dérivait. Je pense qu’il faut beaucoup de courage pour enseigner avec autant de dévouement.

 

Virginie: Il y avait aussi une heure de tutorat par semaine. C’était un moment d’échanges privilégié avec un tuteur qui permettait d’exprimer nos envies, nos besoins. Mais, à mon sens, il fallait être un peu solide parce que ça demandait de se questionner beaucoup sur soi.

 

Magdalena: En plus des entretiens et tutorats, en début d’année, chacune et chacun devait déterminer d’un projet personnel collectif à mener, en fonction de ses envies, et trois heures par semaine y étaient dédiées dans le programme. J’ai choisi de rejoindre le groupe d’une camarade qui voulait écrire et monter une pièce de théâtre. Nous