Ludique et pédagogique : le jeu de rôle, prochaine star des cours de récré ?

En écho à notre épisode « Far Ouest au pays des Gaulois »

 

Si le jeu de rôle séduit les adultes, comme évoqué dans notre épisode avec Clémence Postis de la Revue Far Ouest, les enfants ne sont pas en reste. Enzo Touzé est animateur socio-culturel à Bordeaux, au centre Argonne Nansouty Saint-Genès. Il organise des sessions de jeu de rôle avec des enfants de 8 à 12 ans.

 

 

Selon le Larousse, « le jeu de rôle (JdR) est un jeu de simulation qui permet à chaque participant d’incarner un personnage de son invention et de le faire évoluer dans un univers imaginaire. Il peut être défini comme une fiction interactive dans laquelle chaque joueur intervient pour ajouter sa propre histoire. » Dans sa version la plus répandue, le jeu de rôle se joue autour d’une table avec des crayons, du papier, des dés pour simuler le hasard et la créativité des joueurs.

 
Podcastine : Depuis quand faite-vous du jeu de rôle avec les enfants ?

 

Enzo Touzé : J’ai d’abord commencé par amener des éléments de jeu de rôle dans d’autres activités, comme le théâtre ou le sport. Je leur posais par exemple une énigme au milieu de la séance, ou je leur disais « Vous êtes un groupe d’aventuriers dans le temple de Poséidon » et on utilisait comme décor ce qu’on avait autour de nous, comme les tapis de gym… L’idée c’était de commencer à travailler l’imaginaire collectif.

Depuis deux mois, j’anime deux ateliers hebdomadaires, avec des groupes différents de huit enfants entre 8 et 12 ans. On a un scénario qui se suit d’une fois sur l’autre. Ils ont conçu leurs personnages, certains ont des métiers tournés vers le soin, d’autres veulent combattre des monstres… on travaille avec des lancer de dés assez simples, l’idée étant vraiment que tout le monde puisse plonger dans l’immersion.

 

Les caractéristiques de chaque personnage sont notées sur une fiche comme celle-ci (crédit Enzo Touzé)

 
Concrètement, dans quel univers évoluent-ils pendant ces séances ?

 

J’ai créé un système, une ambiance avec différentes îles volantes. Elles ont chacune un thème différent. Par exemple, « l’hélico-jungle » est une île avec des plantes qui peuvent voler. Sur une autre, il y a un cratêre gelé avec une créature enfermée sous la glace… Il y a aussi une usine désaffectée, où ils peuvent potentiellement trouver des outils pour construire des choses. Certains sont force de proposition, ont plein d’idées, et même les plus timides finissent par être à l’aise. J’essaie de proposer un univers ouvert, justement pour qu’ils puissent proposer plein de choses. En sortant, ils continuent à en parler entre eux et reviennent en discuter avec moi.

 

Le Manoir se situe sur l’une des îles flottantes (crédit Enzo Touzé)

 
Qu’est-ce que le jeu de rôle leur apporte ?

 

Avec ces situations imaginaires, ils travaillent l’anticipation parce que mine de rien il faut penser à nourrir son personnage et à lui fabriquer un campement. C’est un bon moyen de s’écouter, de coopérer, de renforcer un imaginaire collectif. Ces derniers mois avec la crise sanitaire, on a dû faire de petits groupes pour les activités, et il y avait de nombreuses disputes parce que certains n’étaient pas avec leurs copains. Mais pendant les sessions de jeu de rôles, il n’y a pas eu un seul conflit.

Cela leur permet aussi d’utiliser leurs savoirs scolaires. Par exemple, si on imagine que l’on est dans une usine sans électricité, il y en a peut-être un qui va savoir comment on pourrait rétablir le courant.
Enfin, ils travaillent leur manière de s’exprimer, apprennent à décrire leurs actions puisque tout passe par l’oral. C’est un gros travail d’écoute et de représentation.

Dessin d’enfant représentant des actions face à un monstre « œil mécanique » (crédit Enzo Touzé)

 
Vous avez donc créé votre propre univers, mais en dehors de ces créations personnelles est-ce que l’offre de jeu de rôle est suffisamment développée pour les enfants ?

 

Je pense que beaucoup d’animateurs seraient partants pour faire du jeu de rôle avec les enfants, mais le problème c’est que les jeux aujourd’hui sont adaptés à des groupes de quatre à cinq, et dans mon secteur professionnel nos groupes sont plus nombreux. Par ailleurs, « Donjon & Dragon » par exemple est déjà lourd en terme de fonctionnement, on ne peut pas commencer avec ça pour des enfants. A l’inverse, parfois les jeux d’initiation sont trop restreint et ne permettraient pas aux enfants de proposer beaucoup de choses. Je pense qu’il n’y a pas assez d’outils. Moi je passe beaucoup de temps à préparer le jeu, parfois en dehors de mes horaires. Il faut des animateurs qui ont le temps.

Sans aller jusqu’au Jeu de rôle, dans le cadre de l’école c’est assez facile de travailler l’imaginaire collectif en diluant de la narration dans des ateliers de cartographie par exemple. Chacun dessine sa région avec ses savoirs, ses spécialités… En deux heures, chacun peut avoir imaginer son peuple. En général ils apportent leur culture personnelle, beaucoup s’inspirent de l’univers d’Harry Potter par exemple et c’est intéressant de travailler sur leur représentation de la magie.

 
 
Propos recueillis par Mathilde Loeuille