En écho à notre épisode « L’ultra-libéralisme peut-il sauver le climat ? »
C’est une baisse de régime qui aurait pu passer inaperçue, mais qui fait ressortir une éternelle question : les centrales nucléaires seront-elles adaptées aux changements climatiques à venir ?
Lundi 9 mai, alors que la France commence à connaître une montée du mercure qui durera toute la semaine, on observe également dans l’estuaire de la Gironde des températures élevées pour le printemps.
La centrale nucléaire du Blayais situé à Braud-et-Saint-Louis en bord de Garonne utilise l’eau du fleuve pour refroidir ses unités de production. La centrale pompe l’eau de la Garonne pour la rejeter ensuite dans l’estuaire. Seule contrainte, pour la période hivernale et selon un arrêté datant de 2003, EDF ne peut pas rejeter une eau à plus de 30 degrés en sortie de circuit et donc 20°C dans l’estuaire, au risque de perturber la biodiversité.
Dans la soirée du 9 mai, la température est pourtant trop élevée dans l’estuaire de la Gironde et l’eau atteint le seuil de 29,5°C en sortie de circuit. EDF se voit donc contrainte de réduire sa production. Cette baisse qui se chiffre pour la nuit du 9 au 10 mai en une centaine de MW, se poursuivra néanmoins les trois jours suivant et avec plus d’intensité, comme l’a souligné le fondateur de la société Callendar, Thibault Laconde sur Twitter.
Pour le 3e jour de suite, la production de la centrale #nucléaire du Blayais est réduite ce soir à cause de la chaleur.
La puissance déclarée indisponible par EDF est un peu plus importante qu'hier et avant-hier : -250MW au lieu de -110.https://t.co/C49WsNm6E1 pic.twitter.com/lncDSyeLXY— Thibault Laconde (@EnergieDevlpmt) May 11, 2022
Si cette pratique est courante durant la période estivale avec des températures parfois caniculaires, l’épisode est inédit pour cette période de l’année. Ironie du sort, cette montée de température aurait pu même passer inaperçu à quelques jours près, la température limite passant à 36,5 °C pour la sortie de circuit et à 30°C en rejet, à partir de la date du 15 mai. Toutefois comme l’a souligné EDF, ces coupures temporaires ne remettent pas en cause la sécurité d’approvisionnement des Français.
Un enjeu de premier ordre
Cet épisode aurait pu rester anecdotique, mais n’a pas échappé à certains comme l’ex-candidat présidentiel et président de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon qui par un tweet a tenu à remettre une pièce dans le débat sur le nucléaire en cette période incertaine de hausse du prix de l’énergie, d’une baisse de disponibilités des centrales et de boycotts russes.
#EDF alerte : la production nucléaire va baisser. Jusqu'au 15 mai, la température de l'eau rejetée par les centrales est limitée à 30°C. Problème : il fait déjà trop chaud. La centrale du Blayais va donc devoir ralentir. Pas intermittent le nucléaire ? pic.twitter.com/W4qmTgcisb
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) May 10, 2022
Même si la consommation d’électricité des Français est moins élevée en été qu’en période hivernale, cette problématique énergétique interpelle les acteurs du nucléaire. Si les épisodes de canicule se cumulaient avec des sécheresses accrues comme ce fut le cas ces dernières semaines, les centrales dépendantes de l’eau pour se refroidir rencontreraient des problèmes.
Une problématique déjà connue et sur lesquels plusieurs organismes comme Sortir du Nucléaire, alertent depuis des années. Selon la Sepanso, à l’horizon 2040, c’est près de 25 jours d’arrêt supplémentaires par an par rapport à l’heure actuelle qui seraient observés dans la centrale du Blayais, ce qui conduirait à une baisse de production d’environ 100 000 MWh par an.
Un enjeu donc pour le parc nucléaire français. Dans une étude datant de février 2022 sur le climat et le système électrique, Réseau de transport d’électricité (RTE) souligne que « l’adaptation des infrastructures énergétiques, particulièrement exposées aux variables climatiques, apparaît donc comme un enjeu de premier ordre ». Des coupures similaires à celle qu’a connue la centrale du Blayais ces derniers jours devraient se multiplier d’ici 2050.
Martin Nolibé