Depuis plusieurs semaines, la réforme des retraites est au cœur des débats politiques et sociaux. Rejetée par une part importante de l’opinion publique, elle continue d’être défendue par ses instigateurs, qui la présentent comme absolument nécessaire. Pour mieux comprendre cette proposition de loi et les arguments avancés par le Gouvernement, nous avons interrogé Éric Berr, membre du collectif Les Économistes Atterrés.
Décrit comme « nécessaire », « juste » et « obligatoire » par le Gouvernement Borne, le projet de réforme des retraites n’en finit pas de faire parler de lui. Approuvé dans une version amendée par le Sénat, mardi 28 février, il suscite toujours le mécontentement de l’opposition et des principales organisations syndicales, qui appellent à la grève reconductible à compter du 7 mars. Notre journaliste Raphaël Lardeur a rencontré Éric Berr – économiste et maître de conférences à l’Université de Bordeaux, faisant notamment partie du collectif “ Les Économistes Atterrés” – afin de décortiquer et de démêler le vrai du faux dans les arguments avancés par les défenseurs de la réforme.
Le système des retraites sera-t-il vraiment déficitaire ?
Selon Éric Berr, cette prédiction du Conseil d’orientation des retraites (COR) mise en avant par le gouvernement est à manier avec précaution. Bien que tout à fait plausible, elle résulte d’une extrapolation des indicateurs actuels, qui ne peuvent pas tout prévoir. De plus, le montant du déficit annoncé, d’une dizaine de milliards d’euros à l’horizon 2030, ne serait pas si important une fois rapporté à la richesse créée, ou au budget total des retraites.
Travailler davantage est-il obligatoire et naturel avec l’avancée de l’espérance de vie ?
L’espérance de vie augmente, mais l’élément le plus important, d’après Éric Berr, est l’espérance de vie en bonne santé. Cette donnée montre des disparités importantes, et le gouvernement avancerait que « parce que l’on vit plus longtemps, on devrait travailler plus longtemps ». Or, pour l’économiste, « on vit plus longtemps, justement parce qu’on travaille moins longtemps ».
Pourquoi supprimer les régimes spéciaux ?
L’article 1er du projet de loi propose la suppression progressive des régimes spéciaux, au nom de la « justice sociale ». Pour Éric Berr, cet argument n’est pas recevable, notamment car cette mesure ne s’appliquerait pas à l’ensemble des régimes spéciaux. Par ailleurs, l’abolition de ces régimes est proposée sous prétexte qu’ils sont déficitaires. Ce qui est vrai, mais « ils sont déficitaires en raison d’une réduction des effectifs » systématique pour l’économiste.
À l’heure actuelle, le débat n’est pas près de s’arrêter, mais la réforme continue de faire son chemin en dépit des contestations.
15 milliards
Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR) le déficit pour les retraites s’élèvera à 15 milliards d’euros en 2040. Une hypothèse retenue par le Gouvernement pour présenter sa réforme.
1 200€
Le Gouvernement s’est engagé à garantir une retraite à 1 200 euros brut pour une carrière complète à taux plein.
1,8 million
Selon Olivier Dussopt, 1,8 million des retraités vont voir leur pension revalorisée de 70 à 100 euros.
Gabriel Taïeb
Crédit photo : Gabriel Taïeb
En écho à notre épisode : « La réforme des retraites sur le grill d’un économiste »