Apprécier l’art sans le voir (Partie 2)

(Partie 2/2) Ces dernières années, les initiatives se multiplient pour améliorer l’accès à l’art des personnes déficientes visuelles. Plus qu’un simple audioguide, ces nouvelles formules permettent aux malvoyants de se représenter précisément les œuvres.

 

L’association parisienne Souffleurs de sens œuvre à favoriser l’accès à la culture des personnes handicapées. En 2009, elle a créé un service dédié aux déficients visuels, les Souffleurs d’images. Catherine Mangin en est la directrice : « L’idée est née lors d’une pièce de théâtre à laquelle participaient des bénéficiaires de l’association. Les intervenants se sont rendu compte que les voyants décrivaient naturellement ce qu’ils voyaient à l’oreille des non-voyants ». L’association a décidé de professionnaliser le concept, en proposant aux malvoyants d’être accompagnés par des artistes et étudiants en art lors de leurs sorties culturelles.

Chaque saison, environ 300 « souffleurs » suivent ainsi une formation pour apprendre à guider, au mieux, les déficients visuels. « Il y a autant de malvoyance que de personnes malvoyantes. Certains sont aveugles de naissance, d’autres ont perdu la vue après un accident, une maladie… Alors les bénévoles discutent toujours en amont avec la personne, pour lui demander par exemple si elle peut se représenter mentalement les couleurs. » Sur la saison 2020-2021, 650 visites ont été réalisées en binôme.

 

Sortie de groupe lors de la Nuit Blanche à Paris. Crédit : Souffleurs d’images

Réticence des conservateurs

L’association compte 200 partenaires culturels, majoritairement en région parisienne mais également à Toulouse, Limoges, Avignon et bientôt à Marseille. La cotisation annuelle est de 70 euros, et l’établissement s’engage à prendre en charge le billet du souffleur. « Les théâtres sont parfois un peu réticents au départ, ils ont peur que les souffleurs créent une nuisance sonore », précise Catherine Mangin, « mais finalement on arrive à les convaincre ».

Rémy Closset, administrateur de l’association Valentin Hauy, ne reçoit pas non plus que des accueils bienveillants lorsqu’il démarche les musées pour présenter ses modélisations d’œuvres en 3D. « Certains conservateurs s’y opposent violemment, pour eux cela revient à dénaturer l’œuvre. Je suis en guerre contre ces personnes ! Tout le monde doit avoir accès à l’art ». De son côté, l’association Souffleurs de sens souligne que sa démarche est complémentaire à ce qui est proposé par les musées, l’idée n’étant pas de concurrencer les audiodescriptions mais de permettre à chaque personne malvoyante de choisir l’accessibilité qui lui convient le mieux. Preuve que l’idée fait son chemin, l’association parisienne est de plus en plus sollicitée par d’autres territoires, et Rémy Closset expose ses modélisations dans 28 musées entre la France et la Belgique.

Mathilde Loeuille

Crédit illustration : les Souffleurs d’images