En écho à notre épisode « Kami, 40 ans, photographe et non-voyant »

 

(Partie 1/2) Ces dernières années, les initiatives se multiplient pour améliorer l’accès à l’art des personnes déficientes visuelles. Plus qu’un simple audio-guide, ces nouvelles formules permettent aux malvoyants de se représenter précisément les œuvres.

 

« Quand ils reviennent des visites dans les musées, les malvoyants nous disent qu’ils n’ont rien compris, mais que les médiateurs étaient très gentils. » Rémy Closset est administrateur de l’association Valentin Hauy, dédiée aux personnes atteintes d’un handicap visuel. Lui-même malvoyant, il connaît bien les limites des visites proposées par les musées et peste contre la technique du thermogonflage, obsolète selon lui et pourtant utilisée par de nombreux médiateurs :

« Sur un papier spécial, ils entourent les personnages et font ensuite chauffer le dessin. L’encre va former un mini relief… mais les aveugles ne comprennent quasiment rien à ça. Imaginez que vous ayez vous les yeux bandés et qu’on vous donne juste un papier à toucher avec des personnages entourés…vous ne comprendriez pas la cartographie de l’œuvre. »

Il déplore que les malvoyants se contentent de ces visites, n’osant pas en demander davantage : « il y a une sorte de culpabilité chez les handicapés, ils ont peur qu’on ne fasse plus rien pour eux s’ils se plaignent ». Alors, cet ancien architecte a mis au point sa propre technique. A partir de photographies, il modélise en 3D de célèbres tableaux.

 

 

En dix ans, il a reproduit pas moins de 160 œuvres. Avec l’association Valentin Hauy, il a récemment lancé le « Tactile tour », une exposition itinérante où ses œuvres en relief s’exposent dans les médiathèques, mairies ou musées. « Les gens ont envie de ça, ils peuvent toucher le relief d’un visage qui ressort du tableau, les détails de broderie d’un costume… ils peuvent vraiment se représenter l’œuvre. »

 

Binôme entre voyant et non-voyant

Rémy Closset, qui réalise bénévolement ses modélisations, est convaincu que c’est par le toucher que les malvoyants peuvent accéder à l’art. « La solution ce n’est pas juste de mettre un peu de braille dans les musées. Sur les 60 000 aveugles de France, seuls 5 000 savent le lire. » L’artiste The Blind a lui pris le pari du braille, en devenant le pionnier du graffiti pour aveugles. En collant des demi sphères en plâtre sur les murs, il appose des messages au braille. Ainsi le palais de justice de Nantes a-t-il été revêtu d’un « pas vu, pas pris ».

 

 

Sa démarche repose sur le travail d’équipe entre voyants et non-voyants, les premiers guidant les seconds jusqu’à l’œuvre, pour que ces derniers leur décryptent le message. Les Souffleurs d’images, évoqués dans la seconde partie de cet article, fonctionnent également en binôme. Les bénévoles de ce service développé par l’association parisienne Souffleurs de sens accompagnent les déficients visuels aux expositions, pour leur décrire les œuvres à l’oreille.

Mathilde Loeuille

Crédit illustration : Rémy Closset