Autosuffisance alimentaire à Albi : entre coup de bluff et engagement (Partie 1/2)

En écho à notre épisode « Au Pays basque, la culture de l’autonomie gagne les assiettes »

 

En 2014, la ville d’Albi avait annoncé son objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en 2020. Deux ans après l’échéance, le défi est loin d’être relevé mais les initiatives se multiplient.

 

 

Au milieu des années 2010, le pari fou de la mairie d’Albi avait fait le tour de la presse locale et nationale. La ville de 50 000 habitants, dans le Tarn, prévoyait d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en 2020, en ne consommant que des produits cultivés dans un rayon de 60 km. La date fatidique est maintenant passée et le défi est loin d’être relevé. Jean-Michel Bouat, adjoint à la mairie délégué au développement durable, à l’agriculture urbaine et à l’alimentation, refuse d’y voir un échec.

« La date est partie d’un malentendu. En 2014, un jeune journaliste du Figaro est venu m’interroger sur un autre sujet. Au passage, j’ai évoqué notre projet d’agriculture locale. On a parlé d’autosuffisance alimentaire, et je lui ai dit que mon échéance à moi était 2020, puisque mon mandat à la mairie se terminait cette année-là. »

 

Le reporter aurait alors mal compris et fait un raccourci, « il a été tellement séduit par l’idée de l’autosuffisance en 2020 qu’il en a fait un papier dithyrambique, et les autres médias ont suivi. » Le mythe albigeois était né. Aujourd’hui, l’adjoint assume complètement ne pas avoir contredit les journalistes : « à l’époque, on cherchait à faire un effet d’annonce, car la production locale n’était pas dans les préoccupations du grand public ». Il sourit en se rappelant la colère du secteur de la grande distribution, qui lui avait alors reproché de vouloir faire la révolution à Albi. Aujourd’hui reconduit pour un nouveau mandat, Jean-Michel Bouat compte bien poursuivre sa révolution, à petits pas.

 

Une vingtaine de jardins partagés

 

Car si la mairie a clairement joué sur les mots, elle n’est pour autant pas restée inactive. Albi compte une vingtaine de jardins partagés, basés sur différents fonctionnements : « il y a les chantiers dans les écoles, les jardins associatifs, ouvriers, et des potagers où tout le monde peut se servir, même ceux qui ne cultivent pas », détaille l’adjoint au maire.

 

La municipalité a également créé une Zone à Aménagement Différé, ce qui lui permet de préempter toutes les terres à vendre. La ZAD a un périmètre de 73 hectares. Pour l’instant seuls 14 ont été achetés pour y installer des maraîchers. « Cinq structures se sont installées, mais il y a eu deux échecs. » Parmi les trois restantes, l’une est une association d’insertion par le maraîchage. Elle fournit la cuisine centrale d’Albi, notamment en charge de la restauration dans les établissements scolaires et les maisons de retraite. « Le directeur de la cuisine prévoit donc ses menus en fonction des légumes de saison. »

 

80 à 90 tonnes de légumes

 

D’autres maraîchers devraient prochainement rejoindre la ZAD de Canavières. La mairie étudie les candidatures avec la chambre d’agriculture et le lycée agricole. Jean-Michel Bouat précise : « le temps qu’ils s’installent, qu’ils bâtissent leur modèle économique et qu’ils trouvent leur clientèle, les maraîchers ne paient pas de loyer pour la terre. » Ensuite, ils passent sur un bail agricole traditionnel. À terme, la mairie espère arriver à 80 ou 90 tonnes de légumes par an. D’autres organisations se mobilisent également pour l’installation de maraîchers. C’est notamment le cas de Terres Citoyennes Albigeoises, évoquée dans la seconde partie de cet article. 

 

Mathilde Loeuille

Crédit photo : Terres Citoyennes Albigeoises