Autosuffisance alimentaire à Albi : entre coup de bluff et engagement (Partie 2/2)

En 2014, la ville d’Albi avait annoncé son objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en 2020. Deux ans après l’échéance, le défi est loin d’être relevé mais les initiatives se multiplient.

 

 

« C’est une initiative citoyenne, indépendante des collectivités publiques même si nous essayons de travailler ensemble », explique d’emblée Pascal Henry, coprésident de Terres Citoyennes Albigeoises. Le mouvement, créé fin 2017 et anciennement appelé « Albi ville comestible », est divisé en trois structures : une association, une Société civile d’exploitation agricole (SCEA) et une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). C’est à travers cette dernière qu’a été lancé, en 2020, un appel à souscriptions de parts sociales pour acheter des terres à Lescure d’Albigeois, commune riveraine d’Albi. « C’est une ancienne plaine maraîchère. Dans la vallée du Tarn, il y avait beaucoup de zones propices au maraîchage. Certaines ont été urbanisées au fil du temps, d’autres sont restées agricoles mais avec d’autres productions. » En apprenant l’imminent départ à la retraite d’un des agriculteurs, l’association a saisi l’occasion de réinstaller des maraîchers. Une centaine de personnes ont souscrit des parts sociales, et ce capital de 200 000 euros a permis d’acheter 16 hectares de terres.

 

« Nous sommes en train de créer une Coopération d’utilisation du matériel agricole, qui permet de mutualiser le matériel, nous construisons également un bâtiment et l’irrigation va être installée… Pour l’instant il n’y a pas encore de maraîchers car nous attendons que les conditions soient réunies », poursuit Pascal Henry. Un appel à candidatures devrait bientôt être lancé, avec de premières installations prévues, au plus tôt, à la fin de l’année. Terres Citoyennes Albigeoises travaille encore à la question de la commercialisation :

 

« Il faut savoir que la vente directe commence à saturer sur les marchés, car même si la demande augmente pour les produits locaux, elle ne se développe pas aussi vite que l’installation de nouveaux maraîchers. »

 

Le mouvement voudrait donc, à terme, regrouper la production de plusieurs producteurs pour alimenter des restaurants en ville ou la restauration collective des communes en périphérie d’Albi.

 

Tendre vers l’autosuffisance

 

La municipalité et Terres Citoyennes Albigeoises se mobilisent donc pour que la production locale prenne de l’ampleur. Mais quel rendement faudrait-il pour nourrir Albi toute entière ? « Il y a eu plusieurs études. L’une d’entre elles dit qu’il faudrait entre 500 et 600 hectares de terres pour nourrir une ville de 50 000 habitants », explique Jean-Michel Bouat, adjoint à la mairie d’Albi délégué au développement durable, à l’agriculture urbaine et à l’alimentation. C’est très loin des 30 hectares cumulés actuellement par la mairie et Terres Citoyennes Albigeoises. « Théoriquement, à terme ce serait réalisable puisque la surface totale de la ville, c’est 4 400 hectares dont 1 223 hectares de surfaces agricoles exploitables. »

 

L’autosuffisance serait même possible à l’échelle départementale, selon Terres Citoyennes Albigeoises : « Quand on regarde le périmètre du Tarn on peut voir que globalement, si l’on se réfère à la surface agricole, on aurait la capacité d’être autosuffisants. » Cependant, deux problèmes se posent. D’abord, la majorité de la production départementale est actuellement exportée au lieu d’être revendue en circuit court. Ensuite, il y a quelques manques : « Le Tarn est excédentaire en élevage. La production de céréales est à peu près équilibrée, mais en fruits et légumes nous sommes déficitaires », détaille Pascal Henry. Il faudrait donc réorganiser les filières, et modifier les circuits de distribution : « Le modèle des grandes surfaces, ce n’est pas de se fournir avec les produits locaux. Donc il faut créer d’autres modes de distribution. » Un vaste défi.  Pascal Henry conclut : « Je reste persuadé que c’est vers cela qu’il faut tendre. Je ne sais pas quand on y arrivera, mais il faudra bien qu’on y arrive un jour. » 

Mathilde Loeuille

 

Crédit photo : Terres Citoyennes Albigeoises