À la suite de l’audit des finances de la ville de Bordeaux, le maire de la ville Pierre Hurmic a pointé du doigt les dépenses « somptuaires » de l’ancienne majorité. Dénonçant, en particulier, l’outil utilisé pour les mettre en œuvre : le partenariat public privé, dont l’avenir semble s’assombrir dans la cité bordelaise.
La liste est bien connue : stade Matmut, Cité du vin et Cité municipale. Pour chacun d’eux, c’est un partenariat public privé (PPP) qui a été choisi pour la mise en œuvre du projet et qui fait intervenir la collaboration d’entreprises privées dans le cadre d’équipements de service public. Des dépenses que Pierre Hurmic et sa majorité ont qualifiés de « somptuaires », « qu’on n’aurait sans doute pas faites » selon la première adjointe Claudine Bichet. En mettant en cause la pertinence et l’équilibre financier de ces projets, c’est donc incontestablement aussi la méthode utilisée pour les mener à bien que la municipalité incrimine. Pierre Hurmic pointe en effet du doigt ce mode de financement qui a selon lui grandement favorisé le lancement de projets d’envergures qui plombent aujourd’hui la gestion financière de sa ville. Un outil « miracle » pour l’ancienne majorité, un mirage pour Hurmic et les siens. Loin d’être isolée, cette analyse est partagée par des juridictions économiques de premier plan.
UN OUTIL CRITIQUÉ
Les perspectives offertes par l’intervention de plusieurs acteurs privés étaient un gage d’intérêt pour le PPP, mais sa façade continue à s’égratigner. Les accusations de Pierre Hurmic sont notamment partagées par la Cour des comptes européenne, qui mettait en garde les collectivités en mars 2018 contre les PPP, qui auraient « accru le risque de concurrence insuffisante » et « pâti d’un manque considérable d’efficience pendant leur phase de construction ». Une analyse similaire à celle de la Cour des comptes française, dont une enquête menée en 2015 aboutissait à la conclusion que ces contrats de partenariat pouvaient s’avérer, a posteriori, plus onéreux que les marchés publics classiques. En cause selon elle, des loyers parfois exorbitants à la charge des collectivités et des coûts prévisionnels largement dépassés. Une analyse en signe prémonitoire du PPP du stade Matmut, dont le désastre colle parfaitement à la description. Comme un symbole.
Illustration la plus évidente de ce constat, le bilan du PPP mis en place pour le stade Matmut est sans appel : une dette dépassant les 10 millions d’euros pour la société gestionnaire SBA et près de dix fois plus pour celle, évaluée à 120 millions d’euros, à la charge de la mairie de Bordeaux, contrainte de la transférer à la Métropole en contrepartie d’un versement annuel annuel de 2,4 millions d’euros. Une véritable déroute financière selon le Canard enchaîné qui révélait en mai 2016 qu’à la suite d’« omissions » de l’équipe municipale, qui n’avait pas tenu compte de certaines clauses du contrat passé avec la société dédiée (SBA), émanation des groupes Vinci et Fayat, le coût du stade aurait bondi de 183 à 359 millions d’euros. Un camouflet pour l’ancienne majorité et pour le PPP, à l’égard duquel l’hostilité de Pierre Hurmic ne s’en retrouve que renforcé.
DES ALTERNATIVES CONCRÈTES
Un autre outil pourrait alors prendre le relais, plus adapté aux yeux de la municipalité : le marché public global de performance, l’un des trois types de marchés globaux prévus par le Code de la commande publique et par lequel une collectivité publique confie à un opérateur économique une mission globale comportant des prestations de nature différente, moyennement le paiement d’un certain prix ou tout équivalent. Ce marché pourrait être dopé par le plan « France Relance », présenté par le Gouvernement le 3 septembre dernier et prévoyant une enveloppe de 6,7 milliards d’euros dédiée à la rénovation énergétique des bâtiments publics et privés et des logements.
L’avenir du PPP, lui, est donc en suspens : privilégié par la municipalité d’hier, il pourrait être abandonné par celle d’aujourd’hui. Une question demeure, celle de savoir si Pierre Hurmic et sa majorité ont les moyens de s’en passer. Mais si le temps des grandes dépenses semble désormais devoir se conjuguer au passé, le PPP reste malgré tout une alternative de choix pour des projets municipaux dans une ville au budget qui devrait régresser.