EN ÉCHO À NOTRE ÉPISODE DU JEUDI 24 JUIN : « Bolloré, les festivals du fric »
Depuis le mois dernier, les salariés de la radio Europe 1 doivent composer avec les multiples changements éditoriaux et l’arrivée ou la montée en puissance de journalistes proches de Vincent Bolloré et de ses idées.
La goutte de trop. Tout part d’un projet de rapprochement annoncé le 11 mai dernier entre deux médias nationaux : Cnews et Europe 1. Les deux chaînes partagent le même actionnaire, Vincent Bolloré, milliardaire contrôlant entre autres Vivendi et Canal +. Lors d’une annonce d’une réunion à la suite d’un projet de rupture conventionnelle collective (RCC) qui prévoyait la suppression d’une quarantaine de postes, la direction annonce aux salariés vouloir renforcer les liens entre la radio Europe 1 et la chaîne d’informations en continu Cnews. Comme l’avait rapporté le site Les Jours, la direction de la radio avait fait part de son intention de développer des passerelles avec Cnews, selon les propos d’Olivier Samain, délégué syndical du Syndicat National des Journalistes (SNJ). « Le discours de la direction a clairement évolué. Jusqu’à présent, elle niait tout projet en lien avec une possible prise d’influence de Bolloré sur Europe 1, et maintenant elle reconnaît qu’il est possible de bâtir des ponts, et que ce n’est pas une honte de vouloir se rapprocher de Cnews». Les salariés redoutent de voir la station passer sous le joug de Vincent Bolloré : en plus d’une ligne éditoriale jugée d’extrême-droite à Cnews, comme l’explique Ouest-France, les méthodes de management en place à Canal + ne correspondent pas à leurs attentes. Pour rappel, à Canal +, les journalistes en désaccord avec la direction sont licenciés.
Enregistrement d’assemblée générale
Comme si la situation n’était pas assez tendue, on apprend le jeudi 17 juin que le journaliste Victor Dhollande-Monnier est convoqué à « un entretien préalable à un licenciement ». La raison? « Avoir vivement pris à partie une employée de la DRH de la station, qui enregistrait clandestinement une assemblée générale de journalistes » peut-on lire sur le site Arrêts sur images. En poursuivant l’escalade de la pression, la rédaction lance un ultimatum : la direction a jusqu’à 13h – du même jour – pour annuler la convocation. Dans le cas contraire, la grève sera déclarée. Le lendemain, vendredi 18 juin, les salariés réunis en assemblée générale actent la grève immédiate. Sur 95 participants, 84 votent en faveur du mouvement de grève pour obtenir « l’annulation de la procédure disciplinaire engagée » contre Victor Dhollande-Monnier.
Démissions…
Moins d’une heure après l’annonce de la grève, l’humoriste Christine Berrou annonce sa démission sur Twitter et Instagram. Chroniqueuse dans la matinale du week-end animée par Pierre de Vilno, elle avait prévu dans une de ses chroniques à paraître, une blague sur Eric Zemmour tirée de son spectacle « Depuis 1982 ». Dans son post de démission, l’humoriste publie un échange avec sa direction, laquelle expliquant qu’ il serait « plus raisonnable de retirer en effet cette allusion à Zemmour ». Il en est de même pour la journaliste Hélène Mannarino. La présentatrice devait diriger la tranche s’étendant de 9h à 11h, à partir du 5 juillet et être présente à la rentrée pour une nouvelle saison de l’émission « Un Portrait inattendu ». D’après L’Express, « le virage éditorial emprunté par la station, le rapprochement avec CNews, ainsi que les récentes décisions de sa hiérarchie l’auraient poussée vers la sortie »
…et remplacements
Alors que les démissions et départs s’accumulent, le visage d’Europe 1 se métamorphose. L’animateur de la matinale Matthieu Belliard est remplacé par Dimitri Pavlenko, intervenant dans « Face à l’info » sur Cnews aux côtés d’Eric Zemmour. L’ultra-conservatrice Sonia Mabrouk gagne du temps d’antenne. Louis de Raguenel, ancien du magazine d’extrême-droite Valeurs Actuelles est officiellement nommé chef du service politique ; et Laurence Ferrari, animera dès la rentrée prochaine trois heures d’information et de débats à partir des studios d’Europe 1 de 17 heures à 20 heures. Le Figaro précise : «elle aura son émission sur CNews, puis, entre 18 heures et 19 heures, elle poursuivra avec une tranche d’information commune à CNews et Europe 1 avant de continuer entre 19 heures et 20 heures sur la seule antenne d’Europe 1. »
Jeudi 24 juin, les salariés d’Europe 1 ont cessé leur grève. Ils ne se font guère d’illusions sur leurs chances d’empêcher Vincent Bolloré d’instaurer dans la Maison bleue une ligne éditoriale d’extrême-droite, comme il l’a fait à Cnews. Ils espèrent simplement, pour beaucoup, pouvoir prendre leur clause de conscience, dispositif propre aux journalistes qui permet de quitter un média dans les conditions d’un licenciement si l’on n’est pas en accord avec la ligne éditoriale.
Podcastine précise que Jean Berthelot de La Glétais, son cofondateur et responsable éditorial, est salarié pigiste d’Europe 1 depuis 2014.
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Lisa Fégné