A Gaillac, l’association d’accueil de jour Paroles de Femmes, créée en 2005, accueille les femmes en situation de détresse venant de toute la région. Depuis cinq ans, des « relais » au sein des territoires ruraux sont installés afin de maintenir le contact avec une population souvent ostracisée.

« Il n’y avait rien ici, au départ, pour accueillir les femmes victimes de violences conjugales »

se souvient Céline Roucolle, chargée de mission ruralité à l’association d’accueil de jour Femmes de Paroles, établie à Gaillac. Lancée, entre autres, à l’initiative de Betty Fournier – ancienne présidente de l’association toulousaine d’aide aux femmes en difficultés Olympe de Gouges – , Femmes de Paroles est née du constat « qu’aucun accueil de jour n’existait. Il y avait bien deux centres d’urgence mais ils ne suffisaient pas à répondre aux besoins du territoire » explique Céline Roucolle.

Des besoins palpables, selon les données recensées par la police nationale et par les gendarmeries locales: « en 2019, les faits de violences infra-familiales dans le Tarn étaient supérieurs à la moyenne nationale ». De janvier à octobre 2020, soit durant la période du premier confinement, les faits de violences au sein de couples ont augmenté de 42,9% dans le département, soit 12% au-dessus de la moyenne nationale. Une situation confirmée « sur le terrain » par Céline, qui avait écho de « deux à trois faits de violence par jour ». Elle en atteste : « depuis le début de la crise, ça n’arrête pas. Le téléphone sonne tout le temps ». Concernant les faits de violences sexuelles et les viols, le territoire a enregistré une hausse de 60% durant cette période.

Avec ses quatre salariées et ses vingt-cinq bénévoles – comprenant deux hommes -, l’association accueille en moyenne 300 femmes à l’année. Dans un premier temps, l’association joue un rôle d’écoute avant d’informer sur les violences psychologiques, physiques et leurs idées reçues. A l’instar des actions menées par Valérie de Pauw, déléguée départementale de Gironde aux droits des femmes et à l’égalité racontées dans l’épisode de Podcastine “Violences conjugales : les femmes ont la parole “ et dans le magazine Famosa avec le dossier “Paroles de femmes”.
La « phase de reconstruction », propre à chacune, nécessite « un environnement moteur » qui assurera la stabilité de différents éléments de vie quotidienne : trouver un travail stable, un logement sécurisé.
Les ateliers d’informations et de développement personnel proposés par l’association cultivent la reconquête de la confiance en soi et du bien-être grâce à un subtil équilibre entre la vie en collectif et l’épanouissement de son individualité. Quand les ateliers d’écriture, menés par une conteuse et ancienne orthophoniste, constituent un « aspect thérapeutique très important », les échanges sur la charge mentale ou la parentalité permettent de déconstruire des idées reçues.
Malgré la crise sanitaire, les ateliers en présentiel sont maintenus, permettant à une partie conséquente de ces femmes « de sortir de chez elles ». D’autant que l’instabilité de la pandémie – confinements, couvre-feu – , perturbent le déroulement du processus de déconstruction du schéma amoureux toxique. Du fait de la pandémie, les accueils pour femmes en détresse sont saturés comme en atteste la salariée de Femmes de Paroles : « Une dame est venue de Castelnaudary pour échanger, une autre de Toulouse pour participer à un groupe de paroles. Elles avaient besoin de collectif ».

Selon les informations communiquées par les zones de gendarmerie, 47% à 50% des faits de violences sont commis en ruralité.

« Les gendarmes le confirment ! Les violences conjugales représentent la majorité de leurs interventions »

explique Céline.

Or, ces territoires sont « démunis en subventions et en infrastructures ». C’est pourquoi Femmes de Paroles a lancé les relais, dans les territoires ruraux.

 

Les citoyens-relais

Lancés en 2016, on en compte une centaine rien que pour le département tarnais. On les distingue à la seule présence d’un autocollant de Paroles de Femmes, indiquant que les personnes vulnérables peuvent trouver refuge. Si les établissements de santé – kinés, médecins – acceptent ce rôle de relayer des informations sur le personne présumée victime en cas de connaissances des faits, les épiceries, boucheries ou bureaux de tabac en font de même.

Afin de mettre en confiance, une personne présumée victime, l’association « forme et sensibilise aux codes des violences conjugales, sexistes et sexuelles ces relais. Cette méthode contribue à mailler le territoire ». En faisant appel à la participation citoyenne, Paroles de Femmes a entre autre accueilli « une dame qui vit dans la toxicité de sa relation depuis vingt ans ».

Une initiative qui permet non seulement de maintenir le contact avec l’association mais aussi de briser tabous et méconnaissances autour des violences conjugales. Le projet est en voie de s’importer dans toute la région Occitanie.

 

Crédit photo : Pixabay

                                                                                                                Lisa Fégné