La presse indépendante locale, un « acte militant »

 

A l’occasion de notre centième épisode, Podcastine a souhaité revenir sur les modèles de presse indépendante locale du Grand Sud-Ouest.

Pour célébrer le centième épisode de Podcastine, le podcast quotidien d’actualités régionales du Grand Sud-Ouest, nous avons souhaité mettre en exergue les caractéristiques humanistes de la presse indépendante locale Entretien croisé entre Clémence Postis, rédactrice en chef de la revue en ligne Far Ouest, basée à Bordeaux et Jacques Trentesaux, co-fondateur de Mediacités, implanté notamment à Toulouse.

Pourquoi se lancer dans la création d’ un média indépendant et local ?

Jacques Trentesaux : Nous souhaitions proposer des enquêtes de région pour des lecteurs de région. La presse nationale ne le fait plus pour deux raisons : d’une part, les correspondants sont moins nombreux, d’autre part, quelques grands journaux régionaux monopolisent le paysage médiatique.

Clémence Postis : Les deux fondateurs, Flo Laval et Frédérick Diot, voulaient proposer une information locale différente. Prendre le temps de raconter les histoires locales était au centre de leurs envies. Le format devait être à la fois original et adapté à nos compétences. L’idée d’un média à mi-chemin entre le documentaire et le journalisme s’est donc imposée.

  « Nous cultivons une forme de relation amicale avec nos lecteurs » 

Depuis que vous vous êtes lancés dans cette aventure, quels sont les retours de vos internautes ?

Jacques Trentesaux : Les retours vont de « bons » à « très bons ». Nous tentons d’impliquer notre communauté avec des outils éditoriaux tels que Véracités : les internautes nous posent des questions et nous tentons d’y répondre. Dernier exemple en date, le 25 janvier : une citoyenne a été témoin d’une « interpellation musclée » à la gare de Toulouse. Les journalistes sont allés vérifier ce cas de violences policières présumées. Ça valait le coup ! Le résultat est honorable. Nous avons répondu à notre lectrice. En parlant, en échangeant et en tenant compte des opinions, nous cultivons une forme de relation amicale avec nos lecteurs.

  « Être accessible pour la communauté est un gage de réalité » 

Clémence Postis : Nous avons sans doute la même relation d’affect que Mediacités avec nos abonnés. Cette amitié média-lecteurs est permise par le journalisme de proximité que nous proposons : avant la crise sanitaire, nous animions des ateliers anti Fake news et nous rencontrions notre lectorat autour d’un verre. Au-delà des rencontres collectives, on tisse des liens étroits. Je pense notamment à une personne malvoyante qui souhaitait regarder un feuilleton vidéo, sans être dérangée par l’environnement numérique parfois pollueur. Je lui ai donc envoyé le lien source. Être accessible pour la communauté est un gage de réalité. Pour notre public, s’abonner à Far Ouest est un acte militant. Ils s’abonnent pour nous soutenir car ils adhèrent aux valeurs de notre média d’information.

« Nous espérons ouvrir une antenne supplémentaire dans une cinquième ville en 2021»

Quels sont vos objectifs à venir ?

Jacques Trentesaux : Nous souhaitons évidemment nous développer ! Pour trouver un équilibre économique, il faudrait 2 000 abonnés pour chaque ville où nous sommes implantés. L’abonnement étant à 5 euros mensuels. Cet objectif n’est pas inatteignable. Quant à nos perspectives, nous espérons ouvrir une antenne supplémentaire dans une cinquième ville en 2021. Bordeaux est une métropole qui nous intéresse.

 « Parfois, les lecteurs oublient qu’on peut arrêter d’exister à tout moment »

Clémence Postis : Pour atteindre un équilibre financier, il nous faudrait au moins 1 500 abonnés. La bourse du Fonds pour la presse libre, que nous avons gagnée, nous permet d’avoir un peu de répit. Parfois, les lecteurs oublient qu’on peut arrêter d’exister à tout moment. Chaque année est une nouvelle aventure. Notre campagne de pré-commandes de notre nouvelle formule papier est un succès. Nous allons donc nous re-concentrer sur le papier car c’est une demande croissante de la part de nos publics.

Lisa Fégné