Si certains vignerons ont été pillés pendant la Seconde Guerre mondiale, d’autres n’ont pas hésité longtemps avant de pactiser avec l’ennemi. Parce que tous les moyens sont bons pour faire fortune, comme vendre des litres de vins aux soldats allemands pour l’exporter outre-Rhin. 78 ans plus tard, cette sombre histoire régionale reste encore méconnue dans la région. Ana Hadj-Rabah est au micro d’Agathe Hernier pour discuter de la newsletter de notre partenaire Revue Far Ouest consacrée à ce sujet.
Au cœur de la Seconde Guerre mondiale, les vignobles bordelais se trouvent face à un dilemme éthique. Alors que la production de vin traverse des temps difficiles et que les bouteilles se languissent dans les caves, les vignerons doivent impérativement trouver des moyens de survivre économiquement. C’est dans ce contexte que la collaboration des vignerons avec les nazis se présente comme une opportunité à saisir. Considéré comme un trésor national, le vin de Bordeaux est prisé dans le monde entier. Certains négociants et producteurs décident ainsi de commercer avec l’Allemagne nazie, et certains réussissent même à s’enrichir. Ana Hadj-Rabah, journaliste de Far Ouest, a consacré une newsletter à ce sujet.
Deux personnages clés émergent de cette période sombre : Heinz Bömers, un influent weinführer, c’est-à-dire chargé de l’importation de vin en France, et Louis Eschauer, propriétaire d’un château bordelais qui voit dans cette conjoncture une occasion lucrative. « Tout le monde voulait son amitié avec Heinz Bömers, parce que c’est lui qui décide à qui il achète et à combien. » En jouant à ce jeu dangereux, beaucoup de vignerons se sont perdus. C’est ce que Antoine Dreyfus, auteur des Raisins du Reich, a expliqué à Ana Hadj-Rabah : certains sont allés trop loin, jusqu’à faire fortune. « À la fin de la guerre, on a retrouvé dans la cave de certains nazis des bouteilles hyper prestigieuses. L’argument de dire qu’ils ont vendu que la vinasse, c’est faux ! » Quelle était la limite à ne pas franchir ? Dans les vignobles bordelais, l’éthique viticole a été mise à l’épreuve, oscillant entre l’impératif de rembourser ses dettes et la tentation de tirer profit d’une tragédie humaine.
40 millions
En quatre ans (1940 à 1944), on estime que l’Allemagne a importé 40 millions d’hectolitres de nos vins.
23 ans
Gertrude Kircher, secrétaire de Heinz Bömers, refuse de brûler les documents qui prouvent une collaboration entre Heinz Bömers et Louis Eschauer. À 23 ans, elle les livre aux Forces françaises de l’Intérieur (FFI) à la Libération.
Agathe Hernier
Crédits photos : Photo de Far Ouest
En écho à notre épisode : « Quand nos vignerons ont fait affaire avec les nazis »