Le Précis – L’exil républicain en Aquitaine, un chapitre méconnu de l’Histoire 8/8

Il y a 80 ans, l’Espagne tombe aux mains du général Franco, entraînant un exode massif de réfugiés vers la France. Parmi eux, plusieurs milliers ont trouvé refuge en Aquitaine, où ils ont reconstruit leur vie. Dans cette série d’épisodes, Podcastine se penche sur l’accueil réservé aux Républicains espagnols dans le sud-ouest. Loin d’être une histoire du passé, ces récits montrent les traces qu’ils ont laissées et les combats que certains ont continués, parfois au sein de la Résistance. Épisode 8. 

 

Maria Valderrama s’est rendue à la base sous-marine de Bordeaux pour honorer la proclamation de la deuxième République espagnole le 14 avril 1931. Malgré la pluie, une quarantaine de personnes ont commémoré ceux qui ont souffert sous Franco en Espagne et sous l’occupation nazie en France. Ce n’est que tardivement que Madeleine, étant présente sur les lieux, a pris connaissance des horreurs vécues par sa famille pendant la guerre civile espagnole. « C’est vraiment à l’âge de 50 ans que j’ai réalisé ce qu’avait été la guerre civile. J’ai ramifié toutes les anecdotes qu’avait racontées mon père, mais ce n’étaient pas des anecdotes, c’étaient des faits réels. » Elle a appris que son oncle avait disparu dans une fosse commune et que sa grand-mère avait été emprisonnée. Madeleine pense également que le bébé d’une proche a été enlevé, une pratique courante sous le franquisme. On estime qu’au moins 300 000 bébés ont été volés à des familles pauvres ou politiquement ciblées, avec la complicité de l’Église et de certains médecins. « On ne savait pas les fosses communes, on ne savait pas les bébés volés, on ne savait pas tout ça. »


Après la mort de Franco, l’Espagne a entamé un processus de démocratisation, mais la mémoire de la guerre civile et de la dictature est exclue du débat politique. La loi de 2007 sur la mémoire historique a été critiquée, tandis que la nouvelle loi de 2022, la loi des mémoires démocratiques, offre une reconnaissance plus poussée des victimes. Sauf que son avenir est incertain en cas de retour de la droite au pouvoir, selon Jesús Alonso Carballés, professeur de civilisation de l’Espagne contemporaine à l’Université Bordeaux Montaigne. « Les familles souffrent encore et vivent un traumatisme très important. La droite a toujours considéré que c’était ouvrir une plaie, alors que pour ces personnes, cette plaie n’a jamais été refermée. » Jugée trop laxiste, la loi empêche encore la poursuite des fonctionnaires responsables des exactions commises pendant la dictature franquiste. Les consulats d’Espagne à Bordeaux ont reçu 156 demandes de nationalité. Janine Molina en fait partie. Elle voit cette possibilité comme un moyen de renouer avec son héritage familial et de s’engager politiquement, notamment en vue des prochaines élections où le Parti populaire (PP) est en tête des sondages. « Je suis inquiète, c’est un acte politique. Et je pense aussi que c’est comme une réparation par rapport à mon histoire. »


Agathe Hernier

Crédits photos : Atelier Bleu Corail