Le Précis – Livreurs à vélo : un lieu pour lever le pied

À Bordeaux, une maison pour livreurs à vélo a ouvert ses portes près de la gare Saint-Jean. Les travailleurs peuvent y prendre une pause bien méritée et y trouver une aide médicale et un soutien juridique.

Le métier de livreur indépendant est très difficile. Entre le rythme effréné, les risques encourus sur la route, le stress et la maigre rémunération, une journée de travail peut sembler interminable. À Bordeaux, près de la gare Saint-Jean, la Maison des livreurs à vélo est l’un des rares espaces qui leur sont dédiés. Dans ce local de 73 mètres carrés, les livreurs peuvent se reposer après avoir longuement pédalé. Dans notre épisode du 6 mars, notre reporter Raphaëlle Orenbuch est allée à la rencontre Khalifa, Mamadou et Mafoud, qui en sont à l’origine. Tous trois travaillent comme livreurs pour des plateformes comme Deliveroo ou Uber Eats. Pour défendre les intérêts des coursiers, ils ont décidé de créer AMAL, l’Association de mobilisation et d’accompagnement des livreurs. « J’ai commencé à militer, à sensibiliser. J’ai créé un groupe What’s App pour communiquer avec mes confrères. Nous avions vraiment du mal, car il y a aussi la barrière de la langue », se remémore Khalifa.

L’idée de créer un local, Khalifa l’a eue il y a deux ans, après avoir assisté à deux reprises à des accidents de la route où des coursiers étaient impliqués. La deuxième fois, le livreur est renversé par une voiture qui ne s’arrête pas. « Le livreur voulait s’enfuir alors que c’est lui qui avait été renversé. Il m’a dit que sa situation était compliquée, et qu’il ne pouvait donc pas arrêter de travailler. Voilà comment l’idée m’est venue », raconte Khalifa. Les conditions de travail sont effectivement très difficiles. Les travailleurs rencontrés sur place racontent pédaler en moyenne 10 heures par jour pour gagner, souvent, moins que le SMIC. « Ils ont des rémunérations très faibles en dépit d’un volume horaire très conséquent. 75 % d’entre eux travaillent six jours sur sept », explique Morgan Garcia, coordinateur de programmes pour Médecins du monde, qui propose justement une permanence régulière à la Maison des livreurs. Une cadence que les travailleurs suivent donc parfois aux dépens de leur santé. « Les livreurs sont en majorité des personnes en situation de grande précarité. Le management algorithmique génère une grande souffrance psychique du fait d’une surveillance continue et d’une évaluation permanente. Les incitations les poussent à avoir des conduites à risques. Ils sont aussi exposés à la pollution de l’air extérieur », ajoute-t-il. Sur place, les travailleurs ont accès à des consultations médicales, un accompagnement social à l’ouverture de droits et un soutien juridique. C’était la volonté initiale de l’association AMAL, dont le mot signifie aussi « espoir », en arabe.

3500

Bordeaux compte environ 3 500 livreurs à vélo.

15 %

Moins de 15 % perçoivent l’équivalent du SMIC brut.

75 %

75 % d’entre eux travaillent six jours sur sept, et dix heures par jour.

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En France, il n’existe que deux espaces semblables à la Maison des livreurs de Bordeaux. La seconde se trouve à Paris.

Alexandre Camino

Crédits photos : Raphaëlle Orenbuch

 En écho à notre épisode : « Pied à terre pour les livreurs à vélo »