Le Précis – « Salle de shoot » à Bordeaux : un projet à l’arrêt

La création d’une « salle de shoot » à Bordeaux, pourtant soutenue par les associations locales et la municipalité, pourrait ne jamais voir le jour. Certaines oppositions, et l’absence de décision municipale et préfectorale, enlisent une initiative qui pourrait limiter les injections sauvages.

Depuis plusieurs années, l’ouverture d’une salle de consommation de drogue à moindre risque (ou « salle de shoot ») est en projet à Bordeaux. Dans notre épisode du 2 mars, notre reporter Raphaëlle Orenbuch est allée à la rencontre des associations et consommateurs, qui espèrent l’aboutissement du projet. Une telle salle permettrait de limiter les injections sauvages, avec un usage des drogues plus encadré et plus sûr. C’est le cas pour Mohamed par exemple, 52 ans et sans domicile fixe, consomme de la cocaïne depuis 30 ans. Il confie avoir du mal à trouver des lieux sécurisés pour se piquer. « L’hiver, nous n’avons aucun endroit pour la consommation. Même dans les impasses, on se fait jeter », raconte-t-il. À Bordeaux, La Case semble être la seule lumière dans l’obscurité. Cette association, située rue St James, accueille les consommateurs, leur propose du matériel stérile et un accès à des consultations médicales et sociales. Astrid Moreau y est assistante sociale. Elle déplore la solitude et le manque d’hygiène auxquelles sont confrontés ces consommateurs. « Un usager est décédé début 2022. Il avait fait une injection dans des toilettes publiques. Personne n’était là pour l’aider. C’est une triste réalité », regrette-t-elle.

Cela fait 10 ans que l’association soutient le projet de « salle de shoot ». En 2018, elle a déposé un dossier en mairie pour qu’elle voie le jour. Les financements étaient réunis, le permis de construire accepté… Mais accueillir un tel site au sein d’une ville a fait naître des oppositions vigoureuses. La raison évoquée le plus souvent : l’incitation supposée à la consommation de drogue, pratique illégale. Sous sa mandature, Alain Juppé avait ainsi renoncé. Si l’actuel maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, en fait une priorité, selon la conseillère municipale Isabelle Faure, la situation n’avance pas. « La mairie ne bloque pas. En 2022, il avait été proposé d’ouvrir des Haltes soins santé (lieu équivalent de soin et consommation, ndlr), sous couvert d’un comité de pilotage alliant le maire, le préfet et le directeur de l’Agence régionale de santé, explique-t-elle. Nous devions effectuer une réunion à ce sujet début 2023, mais elle a été repoussée. » Pour l’heure, le projet reste donc au point mort.

2

Deux « salles de shoot » ont ouvert en France : à Paris et Strasbourg.

4,2

Les Français ont dépensé 4,2 milliards d’euros en 2020 pour s’approvisionner en cannabis, cocaïne, héroïne, crack et autres produits stupéfiants.

30

La cocaïne entraîne la mort d’une trentaine de personnes par an en France.

Alexandre Camino

Crédits photos : Raphaëlle Orenbuch