La mort dans l’indifférence de Jacqueline P. a très vite constitué un sujet pour les rédactions françaises, pour qui les faits divers sont très importants. Que ce soit au niveau local ou national, les médias ont ainsi un double rôle, raconter le drame, et en expliquer les enjeux.
À l’inverse, Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux pour le quotidien national Libération avait fait le choix opposé à l’époque. Pour elle, tenter de comprendre la vie de Jacqueline P., c’était une manière de lui redonner une histoire, et son humanité. « Je me suis demandé comment c’était possible de mourir dans ces conditions, dans une des rues les plus passantes de Libourne. Ça pose beaucoup de questions sur les prélèvements, les pensions de retraite, la famille, la société hyper connectée mais ultra solitaire. » En essayant de retracer la vie de la disparue libournaise, la journaliste n’a pas appris grand-chose. Pourtant, Libération lui a bien consacré une double page publiée le 29 mari 2023. Ainsi, elle n’est pas définitivement tombée dans l’oubli. Au moins, en racontant cette histoire, Eva espère avoir pu favoriser une prise de conscience sur le sujet de la solitude des personnes âgées. À titre personnel, elle reste marquée par cette affaire. « Parler de cette histoire dans un quotidien ça permet aux gens de faire plus attention. Ça m’a beaucoup retournée. J’en ai même rêvé. J’étais très attristée. »
Comme pour notre épisode dédié aux pouvoirs publics, cette introspection journalistique a le mérite d’illustrer deux conceptions différentes du journalisme faitdiversier, qui nourrit irrémédiablement un débat sain, et une même déontologie.
Publié le 31 octobre 2023