« Les fortes crues vont revenir beaucoup plus fréquemment »

En écho à notre épisode « Le Pays basque sous les eaux, une crue et des questions en cascade »

 

Une crue importante de la Nive a inondé une partie du Pays basque en décembre dernier. Un événement qui va se répéter plus fréquemment dans le futur, en raison du réchauffement climatique. Nous vous proposons entre aujourd’hui et demain, un entretien en deux parties avec Alain Dupuy, hydrogéologue et directeur de l’école d’ingénieur ENSEGID.

 

Podcastine : Le Pays basque avait déjà été inondé en 2014. Le terme de « crue centennale » avait alors été utilisé. Que signifie-t-il exactement ?

 

Alain Dupuy : C’est une analyse statistique des événements précédents, pour établir une fréquence de retour. Grosso modo, on établit que statistiquement, ce type de crue a une chance d’apparaître une fois tous les cent ans. On les qualifie en fonction de leur niveau : plus le niveau est haut, moins il a eu d’occurrences dans l’histoire. Une crue millénale a donc un niveau bien supérieur à une crue centennale, qui a elle-même un niveau supérieur à une crue décennale et ainsi de suite. Mais cela ne veut pas dire que si une crue centennale a lieu en 2014, elle n’aura lieu à nouveau qu’en 2114. C’est un faux ami, le nom est complètement trompeur !

 

Faut-il s’attendre à ce que ces fortes crues deviennent de plus en plus fréquentes ?

 

Avec le changement climatique, ces événements extrêmes sont en train de gagner en fréquence. Les niveaux de crues centennales et millénales vont donc être recalculés, en fonction de ces événements. Une crue qui avait auparavant un niveau centennal aura peut-être demain un niveau cinquantennal. C’est-à-dire que ces fortes crues vont revenir beaucoup plus rapidement.

 

Ces événements pluvieux intenses seront également plus localisés, notamment en été ou automne avec de violents orages. C’est ce que l’on appelle des « crues flash » ou « crues éclair », comme à Agen en septembre dernier ou en juin dans l’Entre-deux-Mers.

 

Ces périodes de précipitations laisseront-elles place à des périodes de sécheresse ?

 

La tendance d’évolution climatique, à l’échelle de la région, est que sur un cycle hydrologique, soit 12 mois, la quantité d’eau précipitée au sol restera la même. Cependant, la distribution des précipitations va changer. Au lieu d’être lissées sur une année, elles seront légèrement plus concentrées sur les mois d’hiver, et diminuées sur le reste de l’année. C’est de l’ordre de 90 mm de plus pendant l’hiver, et 90 à 100 mm de moins pendant les autres saisons. Mais cela va tout de même changer le grand cycle de l’eau, car un peu d’eau en plus, en hiver, sur un territoire où il pleut déjà, cela provoque une crue. Et 90 mm en moins, trois mois sans aucune pluie, au printemps ou en été… cela s’appelle une sécheresse.

Propos recueillis par Mathilde Loeuille

Crédit photo : Jonathan Ford/Unsplash