« Les précarités sont très hétérogènes »

 

Pour les jeunes qui font déjà face aux difficultés d’obtenir un emploi, s’ajoute maintenant celles de trouver un logement. Les foyers de jeunes travailleurs les accompagnent dans les premiers mois de leur vie professionnelle.

A Poitiers, la résidence Kennedy accueille chaque année des centaines de jeunes travailleuses et travailleurs. Souvent, il s’agit de jeunes personnes en difficultés financières. Le directeur de la résidence Kennedy, Etienne Bonneau, dresse le panorama de ces jeunes qui ne cherchent qu’à être autonomes.

Podcastine : Quelles populations accueillez-vous ?

Samuel Bonneau : Notre résidence est un foyer de jeunes travailleurs (FJT) qui accueille chaque année en moyenne 400 personnes. Parmi elles, des populations qui gagnent moins de 700 euros mensuels. Majoritairement, celles et ceux qui ont peu de ressources – soit moins de 500 euros mensuels – sont en parcours d’insertion : stagiaires, apprentis, en formation avec Pole Emploi ou encore en suivi avec la garantie jeune proposée par la mission locale. Le foyer propose des chambre à 300 euros par mois hors APL. Pour les personnes qui ont peu de ressources, c’est à dire moins de 700 euros, les chambres individuelles sont estimées entre 50 et 100 euros pour le mois. Poitiers n’est pas en « zone tendue » concernant les logements. Ainsi, il y a beaucoup de turn-over : les jeunes viennent et repartent vite, spécifiquement celles et ceux qui vivent entre 800 euros et 1 200 euros par mois. En général, ils ne restent que quatre mois maximum, le temps de se remettre financièrement pour préparer leurs projets. Quant aux autres, ils restent deux ans en moyenne : une année pour stabiliser sa situation professionnelle et financière, une autre pour élaborer leurs projets.

Que représente le FJT dans la vie de ces personnes ?

Il s’agit d’un moment de transition dans la vie de ces jeunes personnes. Le FJT accompagne dans la recherche d’autonomie à l’âge adulte. En général, on vit d’abord chez ses parents, ensuite on passe par la résidence de jeunes travailleurs et dès que tout est correctement stabilisé, chacun prend son premier appartement. Pour autant, je remarque que c’est plus compliqué pour les jeunes aujourd’hui qu’il y a dix ans. Déjà, les besoins ont évolué : ils ont toutes et tous besoin de plus d’équipement numérique, par exemple. Le paradoxe, du moins ici mais je présume qu’il en est de même dans d’autres communes, c’est qu’on constate une augmentation significative de leurs difficultés financières. Beaucoup vivent avec moins de 400 euros par mois. La précarité s’accroît : on observe des CDD de 6h/mois et des résidents qui ne sont pas sous contrat mais qui travaillent de façon officieuse. D’autres deviennent rapidement, ou sont déjà, des livreurs et livreuses pour des plateformes de commandes.

Observez-vous une diversité des précarités ?

En effet, les situations de précarité sont très hétérogènes. De ce que nous en savons, ici à Poitiers, beaucoup de familles de nos jeunes sont à la base très vulnérables sur les plans sociaux, professionnels et financiers. Certains parents sont dans l’incapacité d’être présents pour leurs enfants et pour les accompagner avec assurance et bienveillance vers la vie active et autonome. Nous sommes parfois face à des personnes qui cumulent les difficultés : familles d’origine étrangère, famille violente, problèmes de santé… C’est la raison pour laquelle il est primordial qu’au sein de la résidence ces jeunes puissent rencontrer des travailleuses et travailleurs sociaux en qui ils et elles peuvent avoir confiance et leur offrent un regard différent sur le monde. En faisant abstraction de certaines de nos sensibilités et en nous rendant aussi protecteurs que nous le pouvons, nous tentons de leur inculquer la confiance dont ils auront besoin pour la suite.

 

 

Crédit photo : Pixabay 

                                                                                                           Lisa Fégné