Livres en breton : derrière les faibles ventes, une langue qui décline (Partie 3/3)

 

En écho à notre épisode « Cairn, les turbulences d’une maison d’édition« 

 

Les livres en breton peinent à séduire les lecteurs. Plusieurs facteurs jouent sur les faibles ventes : le manque de moyens des classes bilingues, les locuteurs âgés qui préfèrent lire en français, et une langue qui, globalement, décline.

 

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Durant la première moitié du vingtième siècle, les écoliers qui ne parlaient que breton avaient la vie dure. La langue régionale n’était pas autorisée à l’école, et les élèves qui l’utilisaient étaient punis. Dans la cour, la méthode du « symbole » régnait. Un élève ayant parlé breton se retrouvait porteur d’un objet, et son seul moyen de s’en débarrasser était de surprendre l’un de ses camarades en train de parler breton, pour qu’à son tour il se retrouve porteur. Le dernier à avoir l’objet en fin de journée écopait d’une punition.

 

Cette répression a entraîné une perte du breton. « C’est devenu une langue de l’intime, elle était parlée uniquement en famille » explique Olier ar Mogn, de l’Office public de la langue bretonne. Il souligne que les derniers témoignages du symbole datent des années 50, voire 60. Mais la politique a eu le temps de faire son chemin : les jeunes parents qui ont connu ce système éduquent leurs enfants en français, et la transmission se perd. À cela s’ajoute le fait que les textes de catéchisme, autrefois en breton, passent en français. La langue se parle et se lit de moins en moins.

 

Remettre le breton au goût du jour

 

Aujourd’hui, 79% des locuteurs ont plus de 60 ans, d’après une étude sociolinguistique commandée en 2 018 par la Région. Les 15-24 ans ne représentent que 3% des locuteurs. « Cela montre que malgré tous les efforts pour avoir de nouveaux locuteurs, avec les classes bilingues, on est très loin de rééquilibrer la perte des locuteurs traditionnels » déplore Olier ar Mogn de l’Office public de la langue bretonne.

 

Selon lui, le nombre d’élèves en filières bilingues est très insuffisant : « En 2 004, l’objectif de 20 000 élèves entre la maternelle et la terminale avait été fixé. Depuis trois ou quatre ans, nous arrivons à 19 000 mais cela ne va pas au-delà. » Il estime qu’il faudrait 50 000 élèves pour que la balance commence à se rééquilibrer. « Mais la hausse est lente ! Pourtant, dans l’étude de 2 018, 40% des parents se disaient favorables à ce que leurs enfants reçoivent un enseignement du breton. »

 

« Les élus pourraient faire beaucoup plus » affirme Paolig Combot, président d’honneur de l’association Ar Falz-Skol Vreizh, qui gère la maison d’édition Skol Vreizh. « Il faudrait que toutes les communes puissent proposer des classes bretonnantes« . La loi Molac, votée en mai dernier, prévoit que les communes qui ne disposent pas d’écoles bilingues devront participer aux frais de scolarité des écoles privées qui proposent l’enseignement bilingue, comme c’est le cas des écoles Diwan. « Mais entre le vote d’une loi et sa mise en application, il y a un grand fossé » déplore Olier ar Mogn.

 

Pour lui, il n’y a pas de doute sur le fait que l’avenir de la langue bretonne est menacé.

« Il faut voir les choses telles qu’elles sont, sans les enjoliver. Si l’on compare au basque, on a beaucoup moins de chance de faire perdurer le breton. Mais cela ne veut pas dire que nous devons baisser les bras. Il faut juste que les choses se débloquent sur le plan législatif pour que le breton reprenne du poil de la bête. »

Paolig Combot garde aussi espoir : « Quand j’ai commencé à militer pour la langue bretonne dans les années 1 970, on était pessimistes. Mais aujourd’hui, je pense que même si le breton ne sera plus la langue de communication qu’elle était autrefois, elle restera vivante. »

Mathilde Loeuille