Présidentielle 2022, la voix des assos – APF France Handicap

Chaque vendredi jusqu’à l’élection présidentielle, Podcastine donne la parole à une association pour qu’elle présente ses actions et ses attentes vis-à-vis du prochain mandat. Le Girondin Mylan Douthe est coordinateur de la commission nationale jeunesse d’APF France Handicap.

 

Podcastine : Pouvez-vous présenter APF France Handicap ?

Mylan Douthe : L’association existe depuis 1933 et a pour vocation la défense de l’accès aux droits des personnes en situation de handicap. Nous agissons dans les domaines de l’emploi, du logement, de la vie quotidienne… L’objectif est de faire en sorte que ces personnes, avec qui la vie n’a pas été généreuse sur le plan physique, puissent avoir le quotidien le plus normal possible. L’association agit sur trois volets : la gestion d’établissements spécialisés, 96 délégations territoriales qui luttent contre l’isolement social, et un volet « lobbying » pour défendre l’accès aux droits des personnes. Pour ce dernier volet, nous sommes présents au sein de différentes institutions publiques, notamment les Conseils économiques, sociaux et environnementaux (CESER) en région.

 

L’association a lancé l’opération #23millionsdevoix pour interpeller les candidats à la présidentielle, en leur rappelant l’importance de s’engager à agir dans le domaine du handicap. Selon vous, pourquoi abordent-ils si peu le sujet ?

Ils ne se sentent pas assez concernés, il y a toujours cette idée que « le handicap, c’est les autres ». Pourtant, la majorité des sujets que l’on porte, comme l’accessibilité, l’emploi… concernent des progrès sociaux au sens large, pas seulement les personnes en situation de handicap. C’est essentiel de se préoccuper de ces sujets.

Si l’on prend l’exemple de l’accessibilité et du tourisme, la métropole de Bordeaux par exemple fait un gros travail. Elle est labellisée « Destination pour tous » depuis 2014. D’autres métropoles comme Dax et Amiens travaillent aussi en ce sens, mais cela reste malheureusement une dynamique très marginale.

Bruno Le Maire (ndlr : ministre de l’Économie) s’est complètement désintéressé du sujet. Or, cela aurait pu être un vrai levier économique. Mais sur ce sujet, comme sur d’autres, nous ne sommes pas entendus.

 

APF France Handicap a publié douze propositions pour le prochain mandat présidentiel. Nous allons en aborder quelques-unes, à commencer par l’emploi. Qu’attendez-vous ?

C’est un thème qui nous tient à cœur au sein de la commission jeunesse. Au niveau local, à Bordeaux nous avons développé avec d’autres associations le dispositif d’accompagnement à l’emploi « Boostons les talents ». Cela a permis de trouver des emplois à des personnes qui cherchaient depuis des années, qui souffraient d’être exclues. J’ai discuté récemment avec un jeune adhérent, qui a un niveau CAP et qui a cherché du travail pendant dix ans. Pôle Emploi l’orientait vers CAP Emploi, qui le renvoyait vers Pôle Emploi ou des agences d’intérim…

Le rapprochement entre Cap Emploi et Pôle Emploi aurait pu être l’occasion d’impliquer davantage les associations qui ont une expertise dans la structuration des parcours des personnes handicapées. Cela nous aurait permis de mettre en place à plus grande échelle ce que nous avons réussi à faire avec « Boostons les talents ». Mais nous n’avons pas été écoutés.

Il faut que les choses changent, chacun ne peut pas continuer à se regarder le nombril dans son coin et à se demander ensuite pourquoi le système manque d’efficience.

Qu’attendez-vous dans le domaine de l’éducation, plus précisément sur le plan de l’accompagnement des enfants handicapés durant leur scolarité ?

J’ai accueilli avec beaucoup de satisfaction l’arrivée du dispositif Ulis (ndlr : « Unités localisées pour l’inclusion scolaire ») mais sur le terrain, il y a un manque d’AESH (ndlr : les accompagnants d’élèves en situation de handicap). Ils sont souvent mal formés, avec seulement 60 heures de formation théorique, et mutualisés. Les jeunes se retrouvent donc avec un accompagnement en dent de scie, voire pas d’accompagnement.

Le problème, c’est qu’en France on fait souvent uniquement de la déclaration d’intention. Sur le terrain, les moyens ne sont pas mis.

Vous souhaitez également développer l’accès au sport pour les jeunes en situation de handicap.

En Gironde par exemple, nous allons ouvrir des « camps sport santé ». Certains clubs, comme le club de judo de Gradignan, accueillent déjà des jeunes d’établissement spécialisés. Le sport a des bienfaits sur leur développement psychomoteur et cela leur permet de gagner en tonus musculaire, ce qui est très important pour ceux qui sont atteints d’une infirmité motrice cérébrale (IMC).

 

Séance de sport. Crédit photo Mylan Douthe

Cela les sociabilise aussi, et leur prouve que s’ils peuvent faire du sport comme les autres, ils peuvent aussi à avoir un logement ou un travail comme les autres.

Je pense que cette dynamique doit être développée à l’échelle nationale.

Propos recueillis par Mathilde Loeuille

Crédit photo : Capture d’écran site APF France Handicap