Chaque vendredi jusqu’à l’élection présidentielle, Podcastine donne la parole à une association de Nouvelle-Aquitaine, pour qu’elle présente ses activités ainsi que ses attentes vis-à-vis du prochain mandat. L’association L’Burn accompagne les femmes victimes de burn-out, aussi appelé « syndrome d’épuisement professionnel ».
D’après le site de l’association, le syndrome se caractérise par l’épuisement, le cynisme et l’inefficacité. Il affecte l’état physique, psychique et émotionnel de la personne qui en souffre. Anne-Sophie Vives est la directrice de l’association L’Burn.
Podcastine : Pouvez-vous présenter votre association ?
Anne-Sophie Vives : L’association est née sur les réseaux sociaux. Au départ, il s’agissait d’une communauté d’entraide entre femmes victimes de burn-out. De ce groupe des « Burn’ettes » est née l’association L’Burn en 2019. Nous voulions créer des protocoles plus adaptés en termes d’accompagnement, d’aide à la reconstruction, car ce qui existait nous semblait lacunaire. Nous ne nous sentions pas comprises, il y avait une méconnaissance du syndrome.
Nous avons depuis peu un local au centre-ville de Bordeaux, la « maison des Burn’ettes ». Nous travaillons principalement à l’échelle de la région mais nous recevons également des demandes qui viennent d’un peu partout en France. Il existe très peu d’associations dédiées au burn-out, et L’Burn est la première association qui s’y intéresse sous un prisme genré, avec une démarche pluridisciplinaire. C’est aussi le premier dispositif en France à travailler sur un modèle de pair-aidance dans le domaine du burn-out. Les femmes qui s’adressent à l’association sont d’abord reçues par des personnes qui ont connu la même situation, car toutes nos bénévoles sont des personnes en reconversion post-burn-out.
Les victimes sont ensuite orientées vers nos permanences gratuites d’avocat, d’assistante sociale… Il y a aussi des ateliers collectifs pour les aider à prendre du recul sur leur situation, à resocialiser, à trouver les clés pour se reconstruire physiquement et mentalement. Nous avons aussi des ateliers de sophrologie, de l’art thérapie, etc.
Une fois que les femmes se sont reconstruites, nous leur proposons un programme de remobilisation de six mois, car la réinsertion professionnelle est difficile : il y a de l’anxiété liée au travail, parfois un stress post-traumatique. Parmi nos bénéficiaires, 88% veulent changer de voie après leur burn-out. Il faut donc les accompagner, chercher à comprendre si c’est un rejet de ce domaine dans sa globalité, ou si c’est une réaction liée aux conditions de travail dans une entreprise en particulier. Depuis 2019, nous avons accompagné une quarantaine de femmes. À chaque fois qu’elles quittent l’association, c’est pour accéder à l’emploi, ce qui est très positif.
Les femmes sont-elles davantage victimes de burn-out ?
Oui, selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), le taux de prévalence est deux fois plus important chez les femmes. Mais c’est une donnée qui n’a jamais vraiment été analysée. L’idée de notre association n’est pas de dire qu’il y a des causes physiologiques, mais que les facteurs sociétaux font que les femmes sont plus exposées. Elles doivent concilier vie privée et vie professionnelle, assumer une charge mentale avec leur « deuxième journée » : les femmes assurent encore 73% des tâches domestiques.
Le burn-out est-il un sujet de plus en plus considéré ?
On entend beaucoup parler de burn-out, pour constater la forte augmentation des cas. Ils ont été multipliés par deux pendant la période du Covid, parce que c’est une période difficile pour les entreprises, qui engendre de l’anxiété, du mal-être, le télétravail à temps plein a également posé des problèmes… Selon une étude d’Opinion Way, 2,5 millions de salariés étaient en burn-out à l’automne 2021.
On en parle donc davantage, mais il n’y a toujours de cadre légal suffisant. Des projets de loi ont été réfléchis, mais n’ont pas aboutis. Le burn-out n’est pas reconnu comme une maladie à part entière, ce qui rend la prise en charge très compliquée. C’est un parcours du combattant pour les victimes.
Par ailleurs, il existe très peu de dispositifs en France pour prévenir les rechutes.
Pour le prochain mandat présidentiel, c’est donc le principal changement que vous attendez ?
Oui, il faut avancer sur le sujet de la reconnaissance et de la prise en charge. Il faut aussi se rendre compte de l’impact des inégalités professionnelles et intrafamiliales sur la santé des femmes. Cela passe aussi par des politiques familiales. Les congés maternité sont courts, certaines femmes ne parviennent pas à récupérer suffisamment et elles craquent à leur retour au travail. Il faut prendre en compte les aspects multifactoriels du burn-out. Au sein de l’association, nous avons une définition large du burn-out, qui prend aussi en compte le travail domestique, qui peut être source de stress chronique. Aujourd’hui, le burn-out parental, multifactoriel, est d’autant plus compliqué à faire reconnaître.
Propos recueillis par Mathilde Loeuille
Crédit photo : Association L’Burn