C’est une véritable épreuve avant l’heure chaque année pour des milliers d’étudiants et leurs familles. Dans un marché immobilier de plus en plus tendu, la quête d’un logement étudiant peut vite tourner au découragement, même en Nouvelle-Aquitaine.
Jeudi 2 juin, la plateforme Parcoursup a rendu ses premiers verdicts et les tant attendues réponses pour des milliers d’étudiants en quête de leur avenir. Ces annonces, qui comportent leurs lots de joie, de remise en question et de choix cornéliens marquent aussi le coup d’envoi d’une autre course, qui peut s’apparenter à un marathon pour certaines familles : celle de la chasse au logement étudiant. À trois mois de la rentrée, des milliers de jeunes et leurs familles déferlent sur les sites de petites annonces et dans les agences, à la recherche du bien tant convoité et parfois si rare.
Avec près de 200 000 étudiants en 2017, la Nouvelle-Aquitaine accueille de plus en plus d’étudiants selon une étude de l’INSEE publié en 2021. En cinq ans, la région a connu une évolution du nombre de ses étudiants de 12%, surtout concentré autour de Bordeaux Métropole (+13,8%) et de la communauté d’agglomération de La Rochelle (+13,5%). Toujours selon l’institut, c’est près de six étudiants néo-aquitains sur dix qui ne vivraient pas chez leurs parents ou un membre de leur famille, mais bien dans des logements étudiants, qu’ils soient seuls, en colocation ou en communauté comme dans les cités universitaires.
Si les CROUS de Nouvelle-Aquitaine peuvent accueillir une partie de ces étudiants, avec près de 10 500 logements sur l’ensemble de l’Académie, les places sont rares, très demandées, et surtout priorisées aux étudiants boursiers.
Les étudiants et leurs familles se tournent donc le plus souvent vers un marché locatif de plus en plus tendu et qui connaît depuis quelques années une certaine pénurie de biens à offrir. Une raréfaction des logements qui peut notamment s’expliquer par un « effet airbnb » qui a réaffecté beaucoup de studios autrefois dévolus aux étudiants vers la location touristique. D’autres facteurs comme l’augmentation des loyers, ou la future interdiction de la location des « passoires thermiques », ces logements trop énergivores, risquent de ne pas arranger les choses. Surtout lorsque le nombre d’étudiants lui, ne cesse de croître.
Bordeaux plus cher, La Rochelle plus tendue
L’agence LocService a publié début juin son baromètre annuel sur le marché du logement étudiant. L’agence a analysé plus de 40 000 demandes de location d’étudiants au cours des 12 derniers mois pour arriver à dresser un portrait des prix, mais aussi des préférences et de la réalité du marché selon les villes.
L’étude nous apprend que 55% des étudiants préfèrent se loger dans un studio ou un T1 contre 20% en colocation et seulement 6% en chambre. Au niveau national, le budget logement affiche une moyenne de 613 euros. Si cette part du budget logement augmente pour les étudiants parisiens (jusqu’à 786 €), elle a tendance à baisser en province (567 €).
La région parisienne qui accueille la plus grande part des étudiants en France voit des loyers monter jusqu’à 786 euros de moyenne. Une part qui reste non négligeable dans le budget d’un étudiant, près de 57% en 2020 selon l’Observatoire national de la Vie étudiante.
En Nouvelle-Aquitaine, si les prix sont bien éloignés de ceux observés dans la capitale, le marché reste extrêmement tendu. Certaines villes étudiantes de la région comme Poitiers, Pau ou Limoges se démarquent tout de même avec des loyers plus accessibles, en dessous des 400 euros.
Si Bordeaux reste la ville de la région où les loyers sont les plus élevés (comptez 573 euros en moyenne), c’est aussi celle qui capte le plus d’étudiants de la région (37% selon l’INSEE). Si le marché y est réputé difficile, ce n’est pas pour autant le mauvais élève du classement.
Classée parmi les meilleures villes étudiantes ces dernières années, La Rochelle se distingue par sa qualité de vie, mais également pour son marché du logement extrêmement tendu. Si la ville côtière de Charente-Maritime se rapproche de la tête du classement avec un loyer moyen à 516 euros, c’est dans un autre répertoire qu’elle se démarque. Selon l’étude de LocService, La Rochelle est la troisième ville française derrière Angers et Lyon, où l’on observe le plus de tension immobilière, avec près de 4 demandes (3,88) pour une seule offre de logement. De quoi donner des sueurs froides aux étudiants et leurs familles lorsqu’ils entament leurs recherches de la perle rare.
« Je me voyais réellement sans rien »
C’est le cas de Juliette, 17 ans qui achèvent sa terminale à Cognac. Accepté un peu partout en licence de droit, elle a finalement jeté son dévolu sur La Rochelle commencer ses études, « parce que c’est une ville qui me plaisait et l’université est assez bien classée » confie-t-elle.
Pour son logement, Juliette et sa famille émettent quelques critères : un logement d’au moins 20m2, que ce soit en résidence universitaire ou non, et avec un loyer qui ne dépasse pas les 600 euros. Partant en voyage tout l’été, Juliette commence ses recherches au mois de juin, avec l’urgence que cette question du logement soit réglée au plus vite.
La future étudiante se rend sur place à La Rochelle avec sa mère pour effectuer des visites qu’elles ont programmées avec des particuliers, mais ceux-ci annulent les uns après les autres, car les appartements viennent d’être loués, la plupart du temps dès la première visite du matin : « On nous apprend que les gens prennent des appartements, les louent sans les visiter. Simplement en voyant l’annonce sur Leboncoin, ils envoient leurs dossiers, le chèque et l’appartement est loué. Sauf que pour moi c’était un peu bizarre de louer un appartement comme ça sans savoir, c’est quand même une grosse prise de risque ».
«En fait ce qu’il faut c’est avoir la visite de 8h du matin pour louer de suite. Les gens qui ont prévu des visites dans l’après-midi, c’est déjà mort.»
De nouveaux appels à des dizaines de particuliers ne donnent pas plus de résultats, tout comme la visite d’un logement en résidence universitaire, plus proche « d’une chambre d’hôtel » selon la jeune fille. « Je me voyais réellement sans rien », se désole Juliette.
Finalement, la mère et sa fille écument les agences, jusqu’à une annonce salvatrice de l’une d’entre elles qui leur annonce avoir deux logements disponibles : « Et là c’était l’explosion de joie. On a regardé les annonces pour les deux. Sauf que pareil, impossible de nous faire visiter ». L’agence immobilière leur confie que le temps qu’elles visitent le bien, il sera déjà pris par quelqu’un d’autre. Un stress pour Juliette, qui doit se fier seulement aux photos prises par l’agence : « C’est très compliqué de se projeter, surtout que moi je ne vis pas à La Rochelle, je ne connais pas spécialement les quartiers, les appartements, donc c’est horrible ».
Autre surprise de taille, l’appartement n’est en réalité disponible que de septembre à juin. Même si Juliette veut continuer à y vivre l’année prochaine, elle devra libérer les lieux en juin, l’appartement étant loué pour l’été.
Une pratique courante dans la ville portuaire qui a vu ses résidences secondaires doublées en quelques années, et qu’a aussi rencontrée Anne et son mari, parents d’un autre futur étudiant rochelais. Pour eux, les recherches ont commencé bien en amont, dès le mois d’avril, lorsque leur fils a reçu une réponse positive pour son admission à son école, Excelia. Ils démarrent leur quête avec un budget de 500 euros pour un studio meublé à proximité du lieu d’étude de leurs fils, dans le quartier des Minimes, très prisé des étudiants. Si la mission s’annonce délicate, le couple n’est pas au bout de ses surprises : « Nous sommes venus sur place pour nous renseigner sur le marché immobilier auprès de 2 ou 3 agences. À ce moment on nous a expliqué que le marché était très compliqué. Et nous avons découvert qu’à La Rochelle les propriétaires louent les studios aux étudiants avec un bail de septembre à juin pour pouvoir ensuite louer leur logement à des touristes l’été», constate-t-elle.
Un nouveau tour des agences sur place au mois de mai n’arrangera rien : « Certaines agences m’ont littéralement laissé entendre que l’on ne trouverait pas… Les autres m’ont dit de revenir plus tard, car les étudiants n’avaient pas encore donné leur préavis», raconte la mère de famille.
À ce jour Anne et son mari n’ont toujours pas trouvé de logement pour leur fils : « Depuis je consulte quasi quotidiennement les sites d’annonces ainsi que les sites des agences immobilières, mais comme je travaille et que je ne peux consacrer 100% de mon temps à cette recherche, il est toujours trop tard lorsque je réponds à une annonce. J’ai également activé mon réseau et fait savoir à mes contacts professionnels ou amicaux que nous cherchons un logement à La Rochelle ».
Du côté de Juliette, après une première visite de son appartement, le pari s’annonce au final gagnant. « Franchement j’ai eu énormément de chance, il convient parfaitement, c’était la même chose sur les photos ». Mais le constat reste amer pour la jeune fille : « C’est un énorme problème. On nous dit que les gens commençaient même à louer dans des campings ou même d’autres qui louent des bateaux ». Une situation ubuesque qui est déjà observée depuis quelques années dans les villes où la situation immobilière est tendue.
Juliette est consciente de la chance qu’elle a eue en obtenant ce logement aussi vite, car comme lui a confié l’agente immobilière « à partir de juin on n’a déjà plus rien ». Ses amis désireux de s’installer à La Rochelle pour les études n’auront peut-être pas autant de chance, estime-t-elle en désignant les prix élevés et les demandes importantes.
« Et surtout c’est quelque chose dont on ne nous a pas du tout parlé, par exemple au lycée ou à la fac. On ne nous a dit pendant les portes ouvertes, « vous pouvez trouver de quoi vous loger jusqu’en août, aucun souci ». Mais pour des réponses Parcoursup qui arrivent entre le 15 juillet et le 20 août. Eh bien, je me dis que pour ces gens qui vont avoir ces réponses à ce moment-là, qui sont en liste d’attente, qui ne savent pas, c’est quand même très très problématique», déplore Juliette.
La ville de La Rochelle a annoncé en avril dernier la construction prochaine de 180 logements étudiants par l’Association rochelaise d’hébergement pour les étudiants et les jeunes (Arhpej), près du quartier des Minimes. Mais la livraison n’est pas prévue avant 2024.
« Moi j’avais choisi La Rochelle parce qu’on m’a toujours vendu ça comme une ville assez sympa, certes étudiante, mais quand même accessible. Pas trop trop cher, comparé par exemple à Bordeaux ou à Paris, que j’ai mis de côté parce qu’on nous a vendu que les loyers étaient moins chers, que c’était plus accessible […] Je me demande réellement comment vont faire les gens et les étudiants pour se loger dans les années suivantes », conclut la jeune fille.
Un constat que partage également Anne : « Je ne m’attendais pas à ce que ce soit facile, mais je ne pensais pas que ce serait si difficile. Il me semble que les pouvoirs publics devraient envisager de construire des résidences universitaires pour pallier à ces problèmes. Et pour me faciliter je dois également trouver un logement pour mon fils aîné qui part en stage entre Milan et le Lac Majeur en Italie, j’espère que ce sera plus simple qu’à La Rochelle… ».
Martin Nolibé