EN ÉCHO À NOTRE ÉPISODE DU JEUDI 1ER JUILLET : « Résister pour exister : la force de la résilience »
Anya Tsai, coach de vie, autrice-conférencière et présidente de l’association Les Résilientes, s’est spécialisée sur le thème de la résilience après avoir subi des violences sexuelles. Son livre « L’Or de nos cicatrices » propose des outils pour entamer le chemin de la reconstruction.
Podcastine : Pourquoi avoir écrit votre livre « L’or de nos cicatrices : Se libérer et se reconstruire après des violences sexuelles », paru en avril dernier ?
Anya Tsai : Il y a cinq ans, aux débuts du mouvement MeToo, la parole s’est libérée : beaucoup de témoignages ont été mis en lumière. Mais très peu voire aucun n’était porteur d’espoir. Je me disais, ayant moi-même subi des violences sexuelles, qu’il pouvait être très facile de replonger dans ses traumatismes en les lisant. D’autant qu’à la lecture trop abondante de ces témoignages on peut rapidement se demander : « est-ce possible de sortir de sa solitude ? De son déni ? De son silence ? » Ayant toujours été passionné de transmission, j’ai d’abord créé mon blog Les Résilientes pour partager mon parcours de reconstruction. Je ne pensais pas qu’il allait prendre autant d’ampleur : un an plus tard, je lançais ma chaîne Youtube, du même nom. En parallèle, j’anime avec des bénévoles des groupes de paroles mixtes. En réalisant qu’après MeToo, la libération de la parole se poursuit mais que rien n’est mis en place pour avancer dans un processus de reconstruction de soi, j’ai écrit ce livre. Il ne se passe pas un jour sans qu’on me demande conseil sur comment entamer un processus de reconstruction. A mon sens, ce livre peut constituer une première étape sur le chemin de la résilience. Seul, on peut avancer.
Quels sont les outils de résilience que vous évoquez dans votre livre ?
Je donne surtout des clés de compréhension. Prenons le sentiment de culpabilité d’une victime. Au départ, il y a la culpabilité intérieure, celle qui émane de nous-même et qui peut nous faire dire « je n’aurais pas être ici, je n’aurais pas du faire cela.. ». Vient s’ajouter ensuite la culpabilité extérieure : votre famille, votre entourage, la société dans laquelle vous vivez vous demande des justifications en demandant par exemple « tu n’aurais pas dû t’habiller comme ça. » Les deux sentiments de culpabilité sont donc amplifiés. Pourtant, lorsque vous vous faites voler votre sac dans la rue, on ne remet pas en cause la parole de l’agressé. On ne va pas lui dire : « vous n’auriez pas dû avoir de sac » Dans mon livre, j’explique qu’une victime n’est jamais coupable et qu’elle n’a pas à se justifier de son agression. J’essaie de donner des directions pour accepter l’épreuve que l’on a vécue car il est très difficile de sortir du déni et je rappelle que l’on a le droit de reprendre la responsabilité de sa vie. Ce n’est pas parce qu’on a vécu une agression que ça détermine notre présent et notre avenir. La position victimaire peut nous définir comme impuissant et passif et peuvent devenir des éléments d’identité. Or, dans ces conditions, il est impossible d’avancer dans son chemin de résilience et personne ne veut rester victime toute sa vie. Je propose donc des moyens de donner du sens à son épreuve et de retrouver sa puissance. Pour moi, après 21 ans de silence, ce sens a pris la forme d’investissement associatif : j’encourage les autres à s’exprimer et à se retrouver.
Votre association Les Résilientes propose des réunions de partage. Constatez-vous une demande accrue ?
Oui! Au départ, lorsque j’ai lancé les groupes de paroles, nous proposions une réunion toutes les deux semaines. Aujourd’hui, hors vacances scolaires, ce sont des groupes de 12 personnes tous les soirs en semaine de 19h à 21h que nous animons. La situation est économiquement délicate car pour cette activité associative nous ne sommes pas rémunérés. D’autant qu’il est très compliqué de trouver des salles pour se réunir à bas coûts à Paris. Sans compter que majoritairement les filles ne veulent pas se déplacer tard dans la soirée dans des quartiers mal réputés. Ces conditions peuvent susciter davantage d’angoisses. Et puis, les personnes souhaitant participer à un atelier viennent de tout Paris et de sa périphérie c’est pourquoi il est important pour nous de trouver un lieu qui puisse correspondre à la fois à des critères géographiques mais aussi financiers. Malgré les difficultés financières et de logistique que nous accumulons pour organiser ces réunions et les sacrifices que ça impose – je ne vois pas mes enfants le soir en semaine -, nous continuerons de les proposer tant qu’il y aura de la demande. Et de la demande, il y en a ! Pour l’heure, nous avons une centaine de personnes sur liste d’attente.
Combien de temps dure un parcours de résilience selon vous ?
Un parcours de résilience dure toute sa vie. C’est un chemin de vie. On apprend, on évolue. Pour ma part, mon chemin est avancé : j’ai accepté l’événement, libéré ma parole, repris le pouvoir sur ma vie. Pour autant, je n’en ai pas fini et je continue d’avancer. Ça m’enrichit. D’ailleurs, on peut avoir plusieurs parcours de résiliences au cours d’une vie voire dans le même temps à la suite d’une rupture, un burn-out, un décès. La processus n’est pas linéaire, c’est un chemin de persévérance avec pour idée centrale de faire de son mieux, de ne pas se comparer aux autres, comprendre que sa métamorphose vient de soi et pas des autres, se reconnecter à ses propres besoins… Il s’agit de se diriger sur le chemin de la valeur de soi, de la bienveillance à son égard.
Crédit photo : site Les Résilientes
Lisa Fégné