EN ÉCHO À NOTRE EPISODE DU 16 JUILLET : « Les Chagrenous, trait d’union entre le Béarn et le Pays Basque »
Conteur de mythes occitans depuis près de trente ans, Daniel L’Homond fait (re)découvrir les histoires de son territoire grâce à une mise en scène contemporaine. Il revient sur l’universalité des contes.
Podcastine : D’où vous vient ce goût pour les contes occitans et périgourdins ?
Daniel L’Homond : Avant d’avoir envie de faire des contes occitans et périgourdins, je dirais qu’il y a l’envie de faire des contes tout court. Je suis touché par l’universalité de la parole. Et j’ai toujours eu un goût prononcé pour la narration. Pourtant, j’y suis venu tardivement ! Ce n’est qu’à 25 ans que j’ai commencé à inventer des histoires. Le décor de ces contes a d’emblée été planté en Périgord ou à l’étranger, selon les voyages que j’avais réalisés. Mais ce n’est que 10 ans plus tard que je me suis mis à découvrir les mythes périgourdins et à les adapter en contes contemporains. Au gré de mes écritures, j’ai réalisé qu’être périgourdin c’est être dans l’universalité.
N’est-il pas difficile de travailler un mythe ancien en l’adaptant à notre temps ?
Le mythe n’a pas de temps. Le véritable mythe, c’est celui qui traite de l’âme humaine. Qu’on soit jeune gaulois du Périgord ou vieux roi du XVIII°siècle, le chagrin d’une rupture amoureuse est le même. Même si les cultures changent la nature, ces évolutions restent minimes : à l’heure actuelle, aucune religion ne rend les gens meilleurs et aucune culture ne rend supérieur. Les seules choses que le temps peut métamorphoser – et encore ! – c’est le décor. Pour raconter des retrouvailles, aujourd’hui on situerait la scène dans un bar devant un mojito, alors que 50 ans auparavant c’était en buvant du vin très bas de gamme. Le conte contemporain n’est contemporain que par sa façon de saisir l’occasion et le temps. Le fond, lui, doit toujours parler au public. Souvent, les mythes sont axés autour de l’amour et de la mort, les deux plus grands mythes, car ils restent les préoccupations principales de l’être humain.
Donc il y a peu de différences entre un conte occitan et un conte zoulou ?
C’est ça ! Toute est question de décor ou de raconter le conte mais le fond reste sensiblement le même. Prenez un conte qui traite de la lune : l’astre est un coup recouvert d’une fourrure de lionne, dans le conte zoulou et d’une peau de lièvre dans le conte périgourdin. Les comparaisons de contes d’un territoire à un autre ne sont pas pertinentes. Quand je vais au Québec, le public québécois entre dans le Périgord. Car derrière le confit de canard, il y a la soif d’aimer, la soif d’être en vie. Pour accrocher le spectateur à mes racines, je ne dis pas « la rivière » mais « la Dordogne ». Cette micro-précision permet de basculer du communautaire à l’universel. Attention ! L’universel n’est pas l’uniforme… Dans l’universalité, on retrouve le désir de respecter les différences de chacun. On fait chatoyer les goûts, couleurs, odeurs etc. Tandis que l’uniformité, c’est d’avoir des Mc Donald’s en Grèce. Il y a toujours eu des cultures qui mangent les autres. Le tout, c’est d’essayer de résister. Nous, les Occitans, on s’est fait avoir par les Jacobins. Mais aujourd’hui, c’est bénéfique, en terme économique, pour le gouvernement de nous laisser jouer à la pétanque et au rugby et d’avoir une gastronomie authentique. On peut revendiquer en toute amitié une spécificité, une identité régionale tout en répondant aux valeurs de la République. Ce qui me touche, ce sont ces différences, ces contradictions enrichissantes : on peut se sentir tout à la fois Périgourdin, Français et Européen.
Crédit photo : Christiane Olivier
Lisa Fégné