L’association les Orchidées Rouges lutte contre l’excision, les mariages forcés et toutes les violences faites aux jeunes filles et aux femmes. Créée en 2017, l’association a ouvert un institut psycho-médicosocial en 2020 à Bordeaux. Un autre institut a ouvert ses portes fin 2021 à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Kakpotia Marie-Claire Moraldo est fondatrice et directrice des Orchidées Rouges.
Podcastine : Pouvez-vous nous détailler les activités des Orchidées Rouges ?
L’association travaille sur plusieurs axes. D’abord la sensibilisation et la prévention, à travers différentes activités comme des séminaires, des expositions, mais aussi la formation de professionnels de santé, de l’éducation nationale…
Le troisième volet de notre action consiste à accompagner les femmes dans leur parcours de reconstruction, pour les aider à se réapproprier leur corps. Il n’y a pas un parcours type, il y a autant de parcours que de femmes et c’est l’un des côtés novateurs de notre institut. Chaque femme qui nous contacte va d’abord être reçue par l’infirmière, qui va recueillir sa parole, lui présenter la structure et lui demander si elle veut intégrer un parcours chez nous. Ensuite, elle sera reçue soit par la gynécologue si elle a été excisée, soit par la psychologue si elle n’est pas prête à voir une gynécologue. Certaines ont d’abord besoin de mettre des mots sur leurs maux. Dans certains cas, l’accompagnement va jusqu’à la chirurgie réparatrice. Dans d’autres cas, les femmes abandonnent l’idée car elles se rendent compte que, selon le type d’excision subi, il est possible d’avoir une vie sexuelle épanouissante sans chirurgie.
En tout, notre équipe compte 36 professionnels entre la France et la Côte d’Ivoire, dont 25 dans notre institut à Bordeaux. Ils exercent dans les domaines du médical, du social, du bien-être, de la justice… Selon les besoins qui apparaissent au fur et à mesure du parcours, les femmes sont orientées vers différents professionnels.
Il y a aussi des femmes qui sont menacées d’excision ou de mariage forcé et qui ont besoin de notre aide juridique pour obtenir le statut de réfugiées, ou des femmes qui ont vécu des mutilations et qui ont peur pour leur fille. Elles rencontrent donc notre avocate. Nous travaillons aussi, dans ce cas, avec le CHU de Bordeaux car l’OFPRA (ndlr : l’Office français de protection des réfugiés et apatrides) a besoin de certificats d’excision pour la mère, et de non-excision pour la fille, pour prouver qu’il existe bien un risque.
Depuis l’ouverture de l’institut en septembre 2020, nous avons accompagné 255 femmes. Si l’on compte depuis la création de l’association en 2017, nous arrivons à 400 femmes accompagnées.
Le gouvernement a lancé en juin 2019 un plan national contre l’excision, avez-vous perçu des effets positifs depuis ?
Oui, cela a permis de mettre les mutilations sexuelles au cœur des enjeux publics en France. Cela a aussi permis aux institutions et à certaines structures de se rendre compte que c’est un problème qui concerne aussi la France, où vivent 125 000 femmes excisées. Ce n’est pas une problématique africaine, c’est une problématique mondiale.
Qu’attendez-vous du prochain mandat ?
Les mutilations sexuelles ne doivent pas être marginalisées, ce n’est pas une violence exotique. Il faut que l’excision soit systématiquement intégrée dans les mesures de lutte contre les violences faites aux femmes. Il faut également des campagnes d’affichage pour sensibiliser.
Plus largement, il faut une législation mondiale. Si chaque pays bricole dans son coin, nous n’y arriverons pas. Je crois profondément qu’au contraire, il faut créer des ponts entre les pays, et établir une loi mondiale où tous les pays affirment qu’ils sont solidaires pour protéger les petites filles. Il faut que des fonds soient mis sur la table et que des actions claires et mesurables soient déterminées, avec des bilans annuels. Dans le monde, il n’y a que sept pays où l’excision est encore légale. Mais le problème, c’est que certains pays ont voté des lois mais ne les appliquent pas. Il y a même une minimisation de la problématique, certains disent que l’excision n’existe plus, ou que c’est moins grave qu’un viol, que c’est un acte traditionnel mais pas une violence.
Enfin, il faut une synergie entre toutes les organisations pour lutter contre les mutilations sexuelles. Notre association bénéficie notamment d’un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.
Propos recueillis par Mathilde Loeuille
Crédit photo : Les Orchidées Rouges