Les colocations entre seniors constituent une alternative de logement de plus en plus répandue. En plus de pallier la solitude, elle permet aux retraités bénéficiant de pensions modestes de faire des économies.
« Recherche colocataire pour la deuxième chambre de la maison que j’occupe en Haute-Vienne. Chacun sa vie, partage des frais. Rien d’autre que de bien s’entendre en vivant sous le même toit ». C’est en plein cœur de l’été 2020 que Sophie Buelens décide de créer la page Facebook Colocations seniors où elle publie ce premier post. Non pas parce que c’est une adepte des réseaux sociaux mais parce que « c’était presque une obligation ». « Avec ma pension handicap de 900€/mois, je n’avais pas les moyens d’assumer seule le loyer et les charges. Aucune institution n’était en mesure de m’aider » constate-t-elle, un brin de regret et un autre de colère dans la voix.
Quand la colocation devient indispensable
L’année dernière, elle fait une demande d’agrément auprès du Ministère des Solidarités et de la Santé pour accueillir une personne âgée chez elle. « Non seulement on se sent plus dynamiques en vivant à plusieurs mais on fait des économies ! ». Or, lors d’un échange avec une inspectrice, elle comprend que sa demande ne pourra pas aboutir ; le ministère exigeant un seuil de ressources trop élevé. Bien que déçue, elle reste déterminée : « Qu’à cela ne tienne ! Je créerai ma colocation moi-même ! ». Une colocation entre seniors est devenue indispensable financièrement pour Sophie qui souhaite partager son quotidien – à l’instar des colocations bordelaises décrites par Clara Echarri dans son article « Logements alternatifs pour les seniors : l’heure est au mélange des âges » paru dans Rue89 Bordeaux – et surtout « vieillir avec moins d’angoisses financières ».
Le niveau de vie des retraités en baisse
A 700 km du village Haut-viennois où réside Sophie, Yohan Blanche fait le même constat : « L’aspect pécuniaire est l’élément déclencheur pour passer à l’acte de la colocation entre seniors pour les personnes percevant entre 800 et 1 300 euros de retraite chaque mois ». Co-fondateur et salarié chargé de Développement à l’association Un Toît Partagé, basée à Nancy. Depuis 2005, l’association déploie des actions pour sensibiliser à l’habitat partagé entre seniors – en partenariat entre autre avec des bailleurs sociaux, le département et les Caisses de retraite.
Les nouveaux retraités « moins bien lotis que leurs prédécesseurs »
Selon les observations de l’association, la colocation entre seniors a l’avantage de se substituer à l’EHPAD pour la tranche des 77 ans à 83 ans, mais permet permet de mutualiser les coûts et donc de garantir un niveau de vie correct aux résidents. Lequel aurait tendance à se dégrader depuis quelques années, d’après Yohan. Il se remémore, sans difficulté aucune, ce couple de professeurs d’école élémentaire qui vivait avec 600 euros mensuels chacun. « A l’époque, ce n’était pas un job permettant de cotiser beaucoup pour la retraite ». Quant aux nouveaux retraités, qu’il a accompagnés dans leurs recherches de colocations, ils seraient « moins bien lotis que leurs prédécesseurs du fait du chômage de masse qui a fait chuter le temps de cotisation ». Lorsque leurs ressources avoisinent les 1200 euros à 1300 euros par mois, l’habitat partagé reste la solution première. D’autant que certains organismes de projection attestent d’une baisse de ressources à venir pour les futurs retraités.
En 2018, le niveau de vie moyen des retraités s’élevait à 2.100 euros – en prenant en compte la pension, les revenus du patrimoine et la fiscalité -, le dernier rapport du COR (Conseil d’Orientation des Retraites), paru en novembre 2020, fait état d’une baisse de niveau de vie à venir pour cette part de la population. En intégrant la crise sanitaire comme facteur de projection, le COR indique que « selon les scénarios, le niveau de vie moyen relatif des retraités devrait diminuer à long terme pour s’établir entre 88 % et 92 % en 2040 et entre 75 % et 83 % en 2070
Alors qu’une éventuelle baisse de ressources financières s’annonce pour les retraités à venir, les modes de vie des retraités actuels ont tendance à évoluer. Les logements seuls ou en maison de retraite commencent à être délaissés pour des logements en colocation. Là où peut se dessiner une nouvelle jeunesse.
Lisa Fégné