En milieu rural, le défi de l’accès aux soins

En écho à notre épisode « Le camion solidaire au volant de la lutte contre la pauvreté », sur l’accès difficile aux services publics en milieu rural

 

L’association des maires ruraux de France a publié une étude sur les problèmes d’accès aux soins en milieu rural. La Gironde n’est pas épargnée.

 

« Accès aux soins en milieu rural, la bombe à retardement ? » Le titre de l’étude de l’association des maires ruraux de France (AMRF), éditée pour leur congrès en septembre dernier, donne le ton. Les élus veulent « apporter au débat public de nouvelles données pour se forger une opinion éclairée sur la réalité du désastre sanitaire français », et rappellent que la crise sanitaire a « mis en avant l’importance de la proximité dans l’organisation du service de santé ».

Cette proximité fait pourtant cruellement défaut en milieu rural, où les habitants, selon l’étude, consomment 20% de soins hospitaliers en moins, par rapport à ceux des villes. Des inégalités qui concernent notamment l’accès aux séances de dialyse et de chimiothérapie. Autre constat inquiétant, les habitants ruraux vivraient deux ans de moins que les urbains.

 
Déplacements difficiles jusqu’à l’hôpital

 

Daniel Barbe est maire de Blasimon, en Sud-Gironde, et président des maires ruraux de Gironde. « Dans mon coin, il faut attendre des semaines, voire des mois pour voir un spécialiste. Heureusement qu’il y a des infirmières libérales qui assurent la continuité de certains soins, mais comme les habitants sont dispersés elles font beaucoup de route, ce n’est pas facile. »

Lorsqu’ils doivent se rendre à l’hôpital, les habitants du village vont soit au centre hospitalier Sud-Gironde, soit à Libourne. Des hôpitaux qui ne sont pas très loin mais pas tout proches non plus, entre 20 et 30 km de Blasimon. « Il y a un problème dont on ne parle pas assez, c’est celui du transport jusqu’à l’hôpital, surtout dans des coins où la population est vieillissante. Ici n’y a pas assez d’ambulances ou de taxis pour amener les gens passer des radios, ou faire leur chimiothérapie… »

 
Pas assez de jeunes médecins

 

L’autre problème, c’est que toute une génération de médecins généralistes va bientôt partir à la retraite. « Et avec le numerus clausus à la faculté, il n’y a pas eu assez de jeunes médecins formés » déplore Daniel Barbe. Les villes qui n’ont pas anticipé risquent donc de se retrouver prochainement sans médecin. À Blasimon, il y a « deux généralistes et demi », puisque l’un est à temps partiel. « En 2023, l’un des médecins partira à la retraite. Sa collègue partira huit ans plus tard, et celui qui est à mi-temps a 45 ans. Donc on a déjà commencé à penser à l’après ». Le maire se réjouit que les médecins aient pris des internes, qui seraient prêts à venir s’installer dans le village. La maison de santé doit d’ailleurs être agrandie d’ici l’automne 2023.

« Les choses changent. Maintenant les gens veulent travailler en équipe, dans des maisons de santé pluriprofessionnelles. Et les jeunes ne veulent plus travailler tard tous les soirs, alors que les généralistes actuels terminent à 21h tous les soirs. Je peux comprendre cette envie, ils ont aussi leur vie de famille. »

Pour l’édile, le plus important est de garder des professionnels à proximité. « Si le cabinet ferme, la pharmacie suivra et j’ai peur que tout le reste tombe avec. » Dans les environs, certaines communes se retrouvent déjà en difficulté. C’est le cas de Sainte-Terre, à 15 km de Blasimon, qui n’a plus de médecin généraliste depuis plusieurs années. « Est-ce que le médecin ne s’est pas préoccupé d’assurer sa succession ? Est-ce qu’il y a eu un problème de prise de décision ? Je ne sais pas. Mais dans toutes les communes, il faut que les médecins et les équipes municipales communiquent, pour anticiper.»

De leur côté, les maires ruraux vont continuer à alerter politiques et grand public : « On veut leur dire de ne pas oublier le monde rural, et dire aux jeunes médecins que la grande ville n’est pas un passage obligé. Il y a aussi de belles choses à la campagne ».

Mathilde Loeuille

Montage d’après une photo de Dickelbers, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons