Grippe aviaire : après l’hécatombe, l’envie d’un nouveau modèle d’élevage se fait sentir [Partie 2/3]

Alors que les autorités ordonnaient l’enfermement des volailles face au risque de contamination à la grippe aviaire, des éleveurs sont entrés en résistance. Face à la claustration et à la maladie, ils préconisent un autre modèle d’élevage, celui du plein air.

Hélène Bailly est éleveuse de volaille dans les Deux-Sèvres près de la commune de Mazières-en-Gâtine. Depuis 7 ans, elle élève entre 3000 et 3500 volailles à l’année. « Essentiellement des poulets, des pintades et des chapons pour Noël »,nous indique-t-elle par téléphone. Dans sa petite ferme, les volailles évoluent à l’air libre dans un grand espace entouré d’arbres entre les cabanes en bois. Elle, comme 70 autres éleveurs du Collectif Sauve qui poule Poitou, ne comprennent pas les décisions prises par l’état pour lutter contre le virus de la grippe aviaire.

« Ce qui nous a vraiment impacté, c’est le 5 novembre exactement. C’est lorsque le gouvernement a sorti une loi interdisant de mettre les volailles dehors », nous explique l’éleveuse, « Ils ont imaginé dans leur bureau que c’était la façon de lutter contre la propagation de la grippe aviaire. De renfermer tout le monde parce qu’ils ont l’impression que ce sont les oiseaux sauvages qui amènent la grippe aviaire et ils pensent que nos élevages en plein air peuvent être les vecteurs de ce virus ».

Pour Hélène comme les autres éleveurs en plein air, les faits sont là. Pour eux, c’est la concentration qui propage le virus, et non pas leurs élevages de plein air. Et pour preuve, la claustration n’a pas arrêté le virus. Malgré des animaux enfermés, la crise a été sans précédent : « Nous dans notre collectif nous sommes 70 éleveurs, nous avons refusé pour la plupart d’entre nous de renfermer nos volailles et le passé nous donne raison. Nous n’avons pas la grippe aviaire. Tous les gros bâtiments autour l’ont eu. »

En plus de l’enfermement , les mesures de dépeuplement tant décriées ont profondément impacté le travail des éleveurs, en ne faisant aucune distinction entre animaux sains ou pas.

« Cela nous attriste. Nos élevages il faudrait plutôt les considérer comme la solution à la grippe aviaire et non pas comme le problème comme cela a été vu au début. Il suffit de regarder la réalité des chiffres », nous confie Hélène Bailly.

Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture à la date du 24 mai 2022, sur les 1382 foyers d’influenza aviaire déclarés, seuls 35 ont été détectés en basses-cours. Dans les Deux-Sèvres, Hélène nous indique que sur les 57 foyers déclarés, seuls trois sont recensés en basse-cour. Le reste « des élevages fermés et à forte concentration » précise Hélène.

« Ce n’est pas très très compliqué à imaginer. Nos volailles en plein air elles sont dans leurs conditions les plus naturelles possible », nous explique l’éleveuse, «Elles passent leur journée à gratter le sol, à grimper dans les arbres, à manger des insectes. Et à courir, ça a besoin de se dépenser. Et c’est un gage de bonne santé, on le dit pour les humains alors pourquoi on ne le ferait pas pour les volailles. »

Militer pour un autre modèle d’élevage

Les revendications du collectif Sauve qui Poule Poitou sont claires. Les éleveurs du collectif militent pour arrêter l’abattage des animaux sains mais aussi arrêter les menaces contre les éleveurs qui refusent d’enfermer leur volaille et enfin ils demandent la reconnaissance d’un autre modèle face à l’élevage intensif.

« Moi je me suis mis en avant à la télé avec mes petits poulets autour de moi, bah après j’ai eu des menaces, mise en demeure, des amendes […] Nous tout ce qu’on demande, c’est d’être différencié d’eux. On ne veut pas qu’ils arrêtent. Encore que ce serait bien qu’ils soient un peu moins concentrationnaires. Mais on veut juste être différencié. On veut juste dire qu’il existe deux modèles d’élevage. Il faut que ce soit reconnu. Que notre modèle d’élevage il est basé sur le plein air et il ne faut pas nous l’enlever. Donc on doit adapter les mesures à ces deux fonctionnements différents », plaide Hélène Bailly.

Hélène qui vend principalement en circuits courts dans des AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) reçoit le soutien de ses clients. Des consommateurs que le collectif Sauve qui Poule Poitou compte bien informer au mieux en passant notamment par des rassemblements, comme ce fut le cas à Niort le 14 mai dernier. Entre dégustation de poulet grillé et ambiance conviviale, des prises de paroles ont été faites par les membres du collectif afin de mieux informer les consommateurs face aux difficultés rencontrées par les éleveurs.

Pour Sauve qui poule Poitou, les consommateurs sont préoccupés par leur alimentation et c’est sur ce point qu’il faut les fédérer en les faisant devenir membre du collectif, nous explique Hélène Bailly.

Martin Nolibé

Crédit photo : William Moreland, Unsplash