Jean Lassalle, derrière le défenseur trublion de la ruralité, une personnalité problématique [Partie 2/2]

En écho à notre épisode « Jean Lassalle, idole de la Vallée des Aldudes »
Que ce soit béret sur la tête en pleine transhumance dans sa vallée d’Aspe ou à l’Assemblée nationale manifestant son soutien à la gronde populaire en arborant un gilet jaune, Jean Lassalle est un élu qui a marqué la culture politique des Français ces dernières années. Par sa casquette de candidat des campagnes, ses frasques médiatiques, mais aussi, par ses controverses.

Jean Lassalle se gare sur un passage à niveau et bloque un train, Jean Lassalle fait un paquito au Salon de l’Agriculture, Jean Lassalle fait la tournée des bars… C’est un fait, l’élu du Béarn bénéficie, en partie malgré lui, d’une image joviale, fêtarde, et qui plaît notamment aux jeunes.

Cette bonhomie se cultive aussi depuis quelques années sur internet. Jean Lassalle y est vite devenu un phénomène, que ce soit dans des mèmes franchouillards parfois moqueurs, ou dans des compilations vidéo de ses coups d’éclat passés à la postérité.

Des moments cultes et un capital sympathie qui sont néanmoins récupérés par certains. Comme lorsqu’il est mis à l’honneur par le penchant vidéo de Valeurs Actuelles, VA +, dans un « TOP 10 des PÉPITES de Jean LASSALLE ». Une vidéo jouant avec les codes des jeunes, où sont glissés notamment l’accolade avec Eric Zemmour sous les yeux de Philippe de Villiers ou une référence à Risitas, la mascotte du 18-25 de Jeuxvideo.com et des internautes de l’extrême droite. Dans une autre vidéo qui culmine à plus d’un million de vues, on voit le député des Pyrénées-Atlantiques partager un « repas de seigneur » avec le Youtubeur nationaliste Baptiste Marchais, et discuter de la disparition des traditions, de l’hystérie des activistes de L214 ou des médias de gauche.

Si Jean Lassalle est vite passé du petit candidat des campagnes à un phénomène politique. Il est toutefois flagrant de voir que l’élu bénéficie, grâce à cette sympathie, d’une certaine immunité vis-à-vis de ses controverses.

Quand Jean Lassalle ne fait plus rire

Le 15 octobre 2017, comme beaucoup d’autres femmes Julia Castanier, l’actuelle directrice de communication du Parti Communiste Français envoie un tweet sous le hashtag #Balancetonporc. Elle relate qu’à 25 ans, alors attachée parlementaire, Jean Lassalle lui met une main aux fesses. Le député du Béarn dément dès le lendemain dans les médias, se défendant d’être très tactile, mais ne se souvenant pas d’un tel geste. Une collaboratrice le défend dans Sud-Ouest : « Oui, il est très tactile et cela peut choquer ceux qui ne sont pas du Sud-Ouest. ». Cinq jours plus tard, un article de Mediapart relate l’histoire de Julia Castanier auquel s’ajoutent d’autres épisodes de violences sexuelles de la part du député envers des élues et des journalistes. Les témoignages recueillis par le journal font aussi état d’un « sexisme pesant », de drague lourde qui entourerait le candidat qualifié de « gluant ». De nouvelles accusations émergent en 2018. Le député aurait eu des comportements déplacés envers deux vice-présidentes de l’École normale supérieure lors d’une intervention.

Lors de son passage à l’émission politique de l’INA adn le 21 mars dernier, le journaliste Patrick Cohen le confronte à ses archives de 2017. Lorsque le journaliste lui demande s’il reconnaît avoir eu des comportements inappropriés envers des femmes, Jean Lassalle, grave, déclare : « On m’a beaucoup cassé les couilles avec ça. J’en ai vomi de la bile», avant de réfuter ces accusations. Comme le rappelle le candidat en fin de séquence, aucune plainte n’a été portée contre lui.

« Le complotiste des champs »

Depuis 5 ans, le candidat des campagnes se fait également le relais de thèses complotistes ou controversées. En 2017, il fait partie du voyage de certains députés en Syrie et il rencontre même Bachar El-Assad. Soutien du régime syrien, il déclare par la suite « ne pas être sûr » que Bachar El-Assad ait pu bombarder son peuple, malgré les preuves évidentes des crimes de guerre perpétrés par le régime.

Ce discours alternatif lui vaut d’être l’invité des médias comme RT France (aujourd’hui suspendu) ou encore Sud Radio depuis les débuts de la pandémie. Car c’est réellement ces deux dernières années que le penchant complotiste de l’élu du Béarn a émergé.

Si dans son travail d’élu, il se positionne contre les passes sanitaires et vaccinales, Jean Lassalle n’hésite pas se faire le relais d’idées complotistes vis-à-vis du COVID-19 que ce soit par son partage du documentaire depuis débunké Hold-up sur son compte Twitter ou sa remise en doute de l’efficacité des masques et des vaccins qui aurait pu abîmer son coeur. L’élu récite également au cours des mois précédant la présidentielle des rhétoriques usitées par les conspirationnistes comme le monde de la Finance qui aurait mis Macron au pouvoir, la méfiance des élites et évidemment un discours anti-médias. Une rhétorique qui a d’ailleurs trouvé son apogée à quelques jours de la présidentielle.

Lors de son éditorial du 6 avril sur la chaîne Franceinfo, le journaliste Renaud Dély avait qualifié l’élu de « complotiste des champs » au même titre que Nicolas Dupont-Aignan incarnant le versant des villes. Le journaliste avait notamment pointé du doigt son discours populiste, sa défense d’une « France authentique » et son penchant pour les idées complotistes. Quelques heures plus tard, Jean Lassalle alors interrogé par Gilles Bornstein s’est emporté, qualifiant le journaliste de « chien ». Des propos qu’il réitérera le 12 avril sur le plateau de Cyril Hanouna. Le journaliste Renaud Dély a annoncé le 8 mai avoir déposé plainte pour injure publique.

Martin Nolibé

Crédit photo : Antoine Lamielle CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons