En 2014, une étude publiée par Unicef France révèle que 40% des enfants âgés de 8 à 18 ans ressentent une souffrance psychologique. Depuis, le burn-out des enfants n’a de cesse d’augmenter. Deux expertes éclairent les raisons des mal-êtres enfantins.

Le burn-out, défini comme un état d’épuisement physique et émotionnel lié à une activité professionnelle, est une réalité pour de nombreuses femmes. Gabriel Taieb le démontre avec son sujet « Burn-out : les femmes au bûcher » paru dans la Revue Far Ouest et sur Podcastine. D’après Béatrice Millêtre, docteure en psychologie et autrice de « Le Burn-out chez les enfants » et Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne, « le phénomène de burn-out des enfants a explosé ces dernières années ». Elles expliquent les origines de ce phénomène et donnent des conseils pour mieux le prévenir.

Pourquoi les enfants souffrent-ils de burn-out ?

Aline Nativel Id Hammou : Depuis peu, le phénomène d’éco-anxiété cristallise les angoisses enfantines. L’insouciance perd du terrain. Les enfants sont anxieux de l’avenir de la planète car ils sont conscients qu’ils en sont doublement responsables : d’abord, respecter son environnement et la nature. Dans le cas contraire, « la planète va mourir et moi avec ». Ensuite, il y a une lucidité de leur part. Leur raisonnement est le suivant : « Les parents n’ont rien fait. Il faut que je répare leurs erreurs ». Malgré ces anxiétés apparentes, les enfants d’aujourd’hui s’affirment et un enfant qui a des désirs, qui s’affirme, c’est un enfant en bonne santé mentale.

« Le burn-out, c’est le fait d’être étouffé dans son individualité »

Béatrice Millêtre : Dans ma pratique, je ne constate pas d’éco-anxiété. Les enfants souffrent de la pression des parents – qui eux-mêmes reproduisent la pression sociale qu’ils ont vécue ou qu’ils vivent. En écrivant mon livre, j’ai le souvenir d’une étude qui stipulait qu’un français sur deux a peur de devenir SDF. Incontestablement, les adultes projettent cette peur sur leurs enfants. Le burn-out, c’est le fait d’être étouffé dans son individualité. Selon moi, un enfant se sent bien quand il affirme sa personnalité en fonction des autres en prenant en compte qui sont ces autres. Les jeunes d’aujourd’hui sont lucides : ils ne demandent pas la permission d’être qui ils souhaitent, ils le deviennent. 

Le phénomène de burn-out chez les adultes est-il le même pour les enfants ?

Béatrice Millêtre : Je crois que c’est le même, exactement. On m’a reproché ce terme car le burn-out est un épuisement lié à une pratique professionnelle. Pourtant, j’observe les mêmes manifestations : sentiment de travailler en vain sans reconnaissance, sans résultat. Les enfants sont irritables. Parfois, ça va plus loin. Je me souviens d’un petit bonhomme de 9 ans que ses parents ont retrouvé assis au bord de la fenêtre au 4eme étage de leur immeuble. Ce phénomène – qui touche toutes les catégories sociales (urbaines, rurales, gens du voyage, élites) – est lié à la charge mentale. Ce n’est pas tant la quantité d’énergie mentale déployée qui use mais plutôt l’idée que ce qu’on fait ne sert à rien. Je m’explique : un élève de cinquième qui a 14 de moyenne en chimie et qui se voit travailler trois heures de plus dans cette matière pour obtenir 14,5 – à la demande de ses parents car « 14 de moyenne ne suffit pas » – est conscient que ça ne vaut pas le coup.

« L’enfant tétanise car il est écrasé par des injonctions et des exigences sociales paradoxales »

Aline Nativel Id Hammou : L’enfant est un être en développement. Je rejoins Béatrice quant au constat : l’enfant peut s’effondrer. De même que chez l’adulte, un enfant en charge mentale ou en burn-out souffre de troubles dépressifs et relationnels. Chez ces deux types de patientèle, l’individu tétanise car il est écrasé par des injonctions et des exigences sociales paradoxales. Chez les enfants, on estime que la charge mentale existe dès 6 ans. D’ailleurs, les enfants que je reçois la verbalisent. Quand ce n’est pas le cas, leur corps psychosomatise : ils souffrent de maux de tête, de troubles du sommeil, de retards de croissance ou encore des dérèglements hormonaux en lien avec le stress ressenti. 

Comment peut-on détecter le burn-out d’un enfant ?

Aline Id Hammou : Des outils existent pour évaluer le niveau de tristesse d’un enfant. Dans mon ouvrage « La charge mentale des enfants : quand nos exigences les épuisent », je recommande, grâce au personnage de Léon le lémurien, de dessiner un nombre de larmes et de colorier son niveau de fatigue, comme sur le principe d’une batterie. La colère, la tristesse, la frustration et l’hyperstimulation sont les éléments à évaluer pour détecter si il y a charge mentale ou burn-out. Je recommande aussi les bilans physiologiques à réaliser avec un pédiatre ou un médecin généraliste. A mon sens, il faut associer l’accompagnement psychologique à l’accompagnement corporel.

« Il faut écouter, observer les enfants et faire avec qui ils sont »

Que recommandez-vous pour guérir le burn-out enfantin ?

Béatrice Millêtre : En consultation, j’apprends aux enfants à se connaître et à inscrire leur fonctionnement propre dans ce qu’attendent les autres. Les parents doivent être co-thérapeutes : ils aident les enfants à trouver des solutions pour se sentir mieux. Malheureusement, certains parents ne se rendent pas compte de la pression qu’ils exercent. En parallèle, il faut les laisser souffler. Des enfants que j’ai reçus ont dormi 12h heures par nuit pendant 3 mois. La prévention reste le meilleur remède. Il faut écouter, observer les enfants et faire avec qui ils sont.  

Lisa Fégné