Le Précis – « Après la mort d’Habib Grimzi : un procès du racisme »

Le meurtre d’Habib Grimzi étant désormais médiatisé et symbole d’un racisme montant en France, ses conséquences sont très attendues. Podcastine revient sur les retombées de l’affaire.

La médiatisation de l’affaire Habib Grimzi coïncide avec une mobilisation bien plus importante autour de la Marche de 1983, contre le racisme. Les personnalités publiques et  politiques sont de plus en plus nombreuses à défiler. Il faut prouver son engagement et afficher publiquement ses positions aux côtés des Marcheurs. L’historienne Ludivine Bantigny nous explique en quoi les faits divers de ce type ont nourri la mobilisation. « Je pense que ça a beaucoup marqué parce que ça venait s’inscrire dans un cycle où ce racisme de plus en plus décomplexé devenait de surcroît non pas seulement violent symboliquement, mais violent physiquement. Avec une série, comme ça, de meurtres racistes. Il y a eu une manière autour de cet événement tragique de mêler, encore une fois, une auto-organisation populaire au sein des quartiers au cœur même de cette gigantesque marche. Et elle est devenue gigantesque. La presse a vraiment décidé de faire de ce meurtre un enjeu social décisif. » Le 3 décembre 1983, la mobilisation réunit près de 100 000 personnes à Paris, son étape finale. Un succès historique, qui reste dans les mémoires. Auréolée de ce succès, une délégation de marcheurs est reçue à l’Elysée par François Mitterrand.

Mais qu’en est-il pour les bourreaux d’Habib ? C’est en janvier 1986, deux ans après l’assassinat de Habib Grimzi, que s’ouvre le procès sous tension de Marc Béani, Anselmo Elviro-Vidal et Xavier Blondel, à la Cour d’assises du Tarn-et-Garonne, à Montauban. La mémoire du meurtre du Bordeaux-Vintimille, ranimée par la sortie du film “Train d’enfer” de Roger Hanin, reste vive. Mais surtout, deux opinions publiques s’opposent, entre ceux qui excusent le racisme dans l’ombre et ceux qui le condamnent fermement. Les associations contre le racisme répondent d’ailleurs présentes et plusieurs se sont constituées parties civiles. Les journalistes, eux, sont nombreux à y assister.  Jean-Baptiste Harang, qui a suivi l’affaire pour le journal Libération, parle d’un « procès exceptionnel ». « Parce que c’était un crime exceptionnel. Il y avait beaucoup de monde, il y avait toutes ces parties civiles, il y avait tous ces militants… Il y avait une ambiance à l’extérieur, très lourde à cause de la campagne électorale. Il y avait des tags. Les avocats ont reçu des menaces de mort. Et la personnalité des accusés était assez spectaculaire. Chacun dans leur registre. C’est un grand procès, oui. » Un procès qui dure moins d’une semaine. Tous les accusés reconnaissent leur implication dans la mort d’Habib Grimzi. Anselmo Elviro-Vidal et Marc Béani sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, Xavier Blondel à 14 ans d’emprisonnement.

Publié le 17 janvier 2024

Crédits photos : Jennifer Latuperisa-Andresen via Unsplash