Le Précis – Les tirailleurs oubliés

Une cérémonie s’est tenue à Bordeaux pour rendre hommage aux tirailleurs africains décédés lors d’un naufrage en 1920. Ces soldats rentraient chez eux après avoir combattu pour la France lors de la Première Guerre mondiale. Cent ans plus tard, des associations dénoncent l’absence de reconnaissance.

Même arrivée au XXIe siècle, l’Histoire de France a la mémoire courte au sujet des tirailleurs africains. Ces unités d’infanterie pendant la Première guerre mondiale étaient composées de soldats recrutés dans les colonies françaises de l’époque : en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne et même en Indochine. Dans notre épisode du mardi 17 janvier, notre journaliste Jean Berthelot de la Glétais s’est rendu à une cérémonie sur un quai du quartier des Chartrons à Bordeaux. Sur place, devant une fresque de l’artiste AMO, une petite assemblée a rendu hommage aux 570 passagers qui ont péri dans le naufrage du paquebot Afrique, le 12 janvier 1920. Parmi eux, 192 tirailleurs, sénégalais, guinéens, maliens ou ivoiriens. Sortis vivants des tranchées de la Grande guerre, ils n’ont jamais pu rentrer chez eux. Et ce, dans l’indifférence des autorités de l’époque, comme l’explique Karfa Diallo, conseiller régional et directeur de l’association Mémoires et partages, organisatrice du rassemblement. « C’est un plaidoyer pour que les tirailleurs naufragés soient réhabilités dans leur dignité. Tous les morts ont droit à une sépulture mais ils n’en ont pas eu. Ils sont au fond de l’océan Atlantique, ignorés de tous. Il faut faire connaître, faire savoir. La France a une dette envers eux. »

Une dette qui n’a toujours pas été réglée, cent ans plus tard. Aucune reconnaissance particulière n’a été adressée à ces hommes. Pour Karfa Diallo, rien n’explique le manque de considération pour ces soldats. « 103 ans après, je peine encore à comprendre que les milieux artistiques ou journalistiques ne s’en soient pas emparés et que la reconnaissance ne soit pas survenue du fait de l’Etat français », déplore-t-il. Des politiques ont tout de même pris conscience du retard, à l’image de WIam Banyachou, conseillère départementale présente aux cotés de Mémoires et partages lors de la cérémonie. Selon elle, les décideurs politiques peuvent et doivent favoriser la transmission de la mémoire, de ces mémoires. « Le département peut faire beaucoup, comme soutenir des associations, être en lien entre nos politiques éducatives, sensibiliser les jeunes à l’histoire de la France ou encore interpeller les députés, l’État français, pour faire en sorte que les choses évoluent au niveau national. »

570

Le 12 janvier 1920, 570 passagers ont péri dans le naufrage du paquebot Afrique, dont 192 tirailleurs sénégalais, guinéens, maliens ou ivoiriens.

400 000

Entre 400 000 et 500 000 soldats africains ont été recrutés au cours de la Première guerre mondiale.

70 000

Plus de 70 000 soldats venus d’Afrique sont morts pour la France.

Alexandre Camino