Le Précis – « Mort d’Habib Grimzi : un devoir de mémoire des luttes »

Le 14 novembre 1983, un jeune Algérien du nom d’Habib Grimzi est jeté d’un train en marche, sur la ligne Bordeaux-Vintimille. En pleine Marche pour l’égalité et contre le racisme, ce meurtre a joué un rôle capital dans l’histoire des luttes antiracistes en France, qu’il ne faut pas oublier.

Dans ce quatrième et dernier épisode de notre série de podcasts « Grimzi, un billet sans retour », nous revenons sur la transmission mémorielle du meurtre de Habib Grimzi et des mouvements sociaux initiés à cette période. Plus de 40 ans après tout cela, donc, que reste-t-il de la mémoire de cette période ? Abdoui Chaoui, président-fondateur de l’association bordelaise de lutte contre les discriminations Le Boulevard des Potes, et cofondateur de SOS Racisme, nous explique que ce meurtre fut un  révélateur du racisme en France, et un déclencheur du combat qu’il mène encore aujourd’hui, localement. « L’affaire Habib Grimzi est révélatrice pour moi, personnellement, de l’enjeu du racisme en France. Ce crime raciste est arrivé à un moment particulier dans un contexte particulier. L’affaire est venue cristalliser tout ça, venue nous dire quelque chose. Puisque c’était un acte qui s’est passé dans une période où se cumulait un certain nombre de discours publics sur la question de l’immigration. Et là, un acte raciste est venu poser la question de façon brutale à toute la société. »

Toujours selon Abdoui Chaoui, il y eut un avant et un après Habib Grimzi pour la portée de La Marche contre le racisme de 1983. « C’était un symptôme de quelque chose dont la société a pris conscience. Ça a été un des éléments majeurs pour que cette marche puisse avoir les 100 000 personnes qui sont arrivées à Paris. » Et pourtant, regrette-t-il, le nom de la victime a presque été oubliée aujourd’hui. « Il n’est pas du tout dans la mémoire collective, ni repris ni commémoré. » Si l’historien et politiste Emmanuel Blanchard rappelle l’importance du film « Train d’enfer », qui a pu siphonner la substance mémorielle de la véritable affaire de meurtre, Ludivine Blantigny pointe le rôle des médias. « Malheureusement, un certain nombre d’événements comme celui-ci sombrent dans l’oubli parce qu’ils apparaissent de plus en plus aux yeux de médias, qui se sont beaucoup métamorphosés. Et c’est la raison pour laquelle votre podcast est d’autant plus important. Il ne faut pas seulement commémorer ces événements parce que la commémoration, c’est une manière d’enterrer une seconde fois. Il s’agit d’en faire des enjeux véritablement politiques. C’est tout à fait essentiel, justement, à l’heure où des politiques de plus en plus racistes sont ouvertement mises en place. »

Publié le 24 janvier 2024

Crédits photos : Jennifer Latuperisa-Andresen via Unsplash