En écho à notre épisode « Cairn, les turbulences d’une maison d’édition »
Les livres en breton peinent à séduire les lecteurs. Plusieurs facteurs jouent sur les faibles ventes : le manque de moyens des classes bilingues, les locuteurs âgés qui préfèrent lire en français, et une langue qui, globalement, décline.
Pour inciter les lecteurs bretonnants à se tourner vers des ouvrages écrits dans la langue régionale, l’Office public de la langue bretonne a lancé en 2 012 un programme de traduction de certains titres de la littérature mondiale. « Nous avons conçu une liste de 100 titres susceptibles de plaire aux nouveaux locuteurs qui ont fait leur scolarité en breton » explique Olier ar Mogn, directeur scientifique de l’office public de la langue bretonne. « Nous voulions que les langues traduites soient aussi diverses que possible, ce qui n’était pas facile, car il fallait trouver des traducteurs capables de traduire du japonais vers le breton, par exemple.«
Parmi les autres critères : sélectionner des ouvrages des cinq continents, et respecter la parité entre les auteurs féminins et masculins. « Le résultat n’est pas parfait, mais nous avons vraiment essayé« . Entre trois et cinq titres sont traduits et édités chaque année. « Avec ce programme, c’est la première fois que les traducteurs en breton sont directement rémunérés. Avant ils recevaient au mieux 7% des ventes, maintenant ils sont payés 4 000 ou 5 000 euros pour la traduction d’un ouvrage de taille moyenne. » Le tout financé par la Région. Olier ar Mogn cite quelques titres parus récemment : Fahrenheit 451, La servante écarlate, Le mandat. Le tirage moyen est d’un millier d’exemplaires par titre.
L’initiative élargit donc le panel de livres publiés en breton, déjà relativement diversifié puisque les maisons d’édition proposent des polars, livres d’histoire, recueils de poésie… Mais tout cela ne suffit pas à attirer un important lectorat. « En gros, il y a environ 20 000 personnes qui achètent des livres en breton » calcule Olier ar Mogn. Cela équivaut à 10% des locuteurs, qui sont estimés à 200 000 en Bretagne.
« C’est un million de moins qu’au début du 20è siècle. Et à l’époque, c’était des personnes qui parlaient breton quotidiennement. Aujourd’hui, sur les 200 000 locuteurs on estime que seuls 140 000 parlent quotidiennement. » Olier ar Mogn
La moyenne d’âge des locuteurs est de 70 ans. « Ils préfèrent lire en français, parce qu’à l’école ils y ont été habitués » estime Paolig Combot, de la maison d’édition Skol Vreizh. Il faut dire que durant la première moitié du vingtième siècle, les écoliers qui parlaient breton étaient stigmatisés. C’était la politique du « symbole », expliquée dans la troisième partie de notre article.
Mathilde Loeuille
Crédit photo : Hermann/Pixabay