En écho à nos épisodes « Violences conjugales : le double-je du député Simian » et « La sulfureuse immunité du député Simian »
Propositions suggestives à une collaboratrice, faux signalements… Le député Benoît Simian (Libertés et Territoires), qui sera jugé en mars pour des faits de harcèlement envers son ex-femme, n’en finit plus de faire des siennes. Il est pourtant toujours protégé par son immunité parlementaire. Comment fonctionne cette protection et qui peut la lever ?
L’immunité parlementaire est régie par l’article 26 de la Constitution. Il s’agit de préserver l’indépendance du député ou sénateur, en s’assurant qu’il ne sera pas la cible de pressions politiques, judiciaires ou privées.
« Aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive. »
L’immunité est divisée en deux parties. L’irresponsabilité garantit la liberté d’expression du parlementaire. Il ne peut donc pas être poursuivi pour les propos et votes exprimés dans le cadre de l’exercice de sa fonction. L’inviolabilité protège sa liberté de mouvement : il ne peut pas être placé en garde à vue ou incarcéré, sauf s’il s’agit d’un crime ou flagrant délit. Pour les autres cas de figure, le juge doit d’abord réunir le « bureau de l’Assemblée », constitué d’une vingtaine de parlementaires. C’est ce bureau qui doit voter la levée, ou non, de l’immunité parlementaire.
Pourquoi celle de Benoît Simian n’a pas été levée ?
Le bureau s’est réuni en décembre 2020 pour statuer sur l’immunité de Benoît Simian. Le parquet de Bordeaux demandait alors son placement en garde à vue, pour des faits de harcèlement envers son épouse. La demande de levée d’immunité avait été rejetée, au motif que le député se présentait aux convocations de la justice et aux auditions libres, sans entraver le travail de la justice et de la police.
La députée France Insoumise Clémentine Autain faisait partie du bureau ce jour-là. Elle est revenue sur ce vote au micro de France Info, le 8 janvier 2022 : « la décision a été prise, en catimini, avec un ordre du jour où ça n’était pas clair. J’ai vraiment eu l’impression de me faire avoir par le président de l’Assemblée nationale et l’ensemble du bureau ». Même si le député répond à ses convocations, elle affirme que le problème réside dans le fait qu’il ne peut pas être placé en garde à vue : « on sait très bien qu’avec ces affaires-là, une garde à vue est un moment important pour intimider et faire en sorte que l’homme n’aille pas plus loin ».
Face au tollé, la présidence de l’Assemblée avait fait savoir qu’elle pourrait réexaminer le dossier si le parquet formulait une nouvelle demande. « Mais la procureure de Bordeaux, Frédérique Porterie, s’est refusée à engager une telle démarche, qui aurait en creux pu signifier que sa première demande n’était pas suffisamment sérieuse ou motivée », écrivent nos confrères de Mediapart.
Benoît Simian a donc uniquement été entendu en audition libre, la dernière fois remontant au 24 novembre dernier.
Une quarantaine de levées depuis 1958
Depuis le début de la cinquième République, l’immunité d’une quarantaine de parlementaires a été levée. Celle de Serge Dassault a par exemple été levée en 2014 dans le cadre d’une enquête sur des achats de vote à Corbeil-Essonnes, celle de Patrick Balkany en 2015 pour « corruption passive, blanchiment de corruption et blanchiment de fraude fiscale ». Autre exemple, l’immunité de George Tron, mis en examen pour viols et agressions sexuelles en réunion, a été levée en 2011.
Mathilde Loeuille
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